Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par Delphine E. Fouda

Le GRIP in www.camer.be, le 08/11/2008. Chers compatriotes, nous sommes un groupe de fonctionnaires de la sûreté nationale camerounaise. Inspecteurs de police et gardiens de la paix, bref,  les« prolétaires » du corps. Vous vous demandez certainement ce qui peut pousser des policiers à sortir de leur réserve. L’armée est surnommée « la grande muette » ; la police aussi est astreinte à la réserve. Mais il arrive un moment où on ne peut plus se taire sous peine d’exploser de la colère qui gronde en nous, du malaise qui nous envahit depuis quelques années.

Aussi venons nous ici vous faire part d’une manœuvre, disons plutôt d’une vaste mafia organisée au sein de la police par ses propres chefs et qui s’apparente ni plus ni moins à une privatisation par ces derniers du service public de la sûreté nationale. Les événements récents qui ont eu lieu à Limbe démontrent à perfection qu’il y a des problèmes à la fois structurels et opérationnels au sein des forces de défense camerounaises.

Ce qui conduit à notre incapacité d’assurer la sécurité de ce pays et de ses citoyens. Mais au lieu de chercher des solutions à cela nos responsables réfléchissent plutôt sur les possibilités de s’enrichir. Ceci n’est pas l’apanage de la police mais au sein de ce corps le phénomène a atteint des proportions tel qu’il serait dangereux de le laisser courir. Le fait est que les patrons de la police, depuis le délégué général jusqu’aux chefs d’unités en passant par les délégués provinciaux ont transformé les fonctionnaires de la sûreté nationale en vigiles. Un couple de policiers devant une micro finance, une banque ou un autre type d’entreprise, armes en bandoulière est devenu un phénomène tellement banal qu’on ne le remarque même plus.

 Et pour cause, toutes les micro finances (Dieu sait qu’il y en a, des micro finances), les banques se font garder par des policiers et plus rarement par des militaires et des gendarmes. Les hommes en tenues sont devenus des gardiens ! Pire même des particuliers ont des gardes de corps policiers. C’est le cas de James Onobiono ou de Hervé Nkom pour ne citer que ces deux là, derrière qui vous verrez traîner un policier (des inspecteurs de police pour ces deux cas). C’est facile ! Vous-même vous pouvez bénéficier de cette mesure, il suffit de pouvoir payer. Même l’industrie du jeu s’y est mise.

De plus en plus de casino payent les services de la police pour assurer leur sécurité. Ceux-ci se tournent vers les  commissariats spéciaux pour avoir deux voire trois flics en civil dans leurs boites la nuit. Voila ce à quoi les chefs ont transformé la police camerounaise aujourd’hui. Elle est devenue comme une société commerçante qui vend ses services aux plus offrant. Et le service public ? On s’en fout du moment où on s’en met plein les poches. Tenez dans le seul boulevard de la liberté, de l’Hôtel le Ndé au Cinéma le Wouri on compte pas moins de 24 établissements financiers qui se font garder  par des hommes en tenues. Cela fait au moins 48 hommes ainsi immobilisés pour un seul morceau de rue.

C’est ainsi que dans la seule ville de Douala il y a au moins 200 entités qui monnaient les services des forces de l’ordre. Le plus gros client c’est bien sûr Express Union qui, avec plus de 300 agences au Cameroun « utilise » seule plus de  600 policiers. Suivent les établissements de micro finances qui foisonnent actuellement avec chacun une myriade d’agences, et les banques, sans oublier les particuliers nantis qui se payent un « baby sitter » galonné. Le « règlement » veut qu’il y ait au moins deux hommes à chaque poste, question de doubler la mise.

 Il y a des postes comme Bicec et Cbc Bonanjo où l’on trouve 4 voire 5 gars en treillis qui se morfondent en pestant contre le temps qui coule trop lentement à leur goût. L’ennui. Logiquement, la grande pourvoyeuse est le GMI du Littoral. Cette unité couvre tellement de postes qu’au final elle ne dispose plus de suffisamment d’hommes pour effectuer son service normal. Conséquence il y est instaurer un doublage systématique et permanent. Ceci signifie qu’un élément du GMI/2travaille pendant 24 heures pour se reposer pendant 12 heures avant de revenir pour 24 heures et ainsi de suite. Mais les plus affectées sont les unités de sécurité publique.

Celles-ci sont tellement désossées qu’elles ne peuvent même plus rendre le service minimum. Allez par exemple aux commissariats du6ème et du 3ème arrondissement. La grande partie de l’effectif actif est affectée au « gardiennage ».  

Conséquences

La nuit du 21 au 22 septembre dernier a été chaude. Aux alentours de 01heures on signale des coups de feux à Makèpè. Le car du commissariat du12ème se précipite sur les lieux avec à son bord…02 policiers dont le conducteur du car. Pendant ce temps un seul est resté au poste. Cette nuit là le réseau de communication radio est très animé car la nuit est très mouvementée. Les voix des responsables tonnent telles des tonneaux qui font d’autant plus de bruit qu’ils sont vides. Ils aboient des ordres en sachant bien qu’ils ne peuvent être exécutés, faute de personnel.

 On annonce des braquages par ci, des accidents et des morts suspectes par là. Dans le va et vient des cars immatriculés SN qui courent partout dans la ville, il est impossible d’identifier un seul où il y a plus de trois hommes, hors mis dans les pick-up des Essir. Dans ces conditions doit-on encore s’interroger sur les raisons de l’inefficacité de la police ? Où sont passés les hommes ? Ils sont affectés garde des intérêts privés. Même en journée l’effectif opérationnel des commissariats est réduit à son strict minimum. Il n’est pas rare de voir en journée un poste de police tenu par un seul homme. Au point où les enquêteurs ou les secrétaires sont souvent appelés à venir renforcer le poste de police. Les carrefours sont littéralement abandonnés si ils ne sont pas sous la responsabilité d’un seul ou de deux hommes pour toute la journée. Pourtant au même moment il y a beaucoup de policiers devant les structures financières.

Une cinquantaine d’hommes pour le GMI/2 (au bas mot), une vingtaine pour le commissariat central n°01 et autant pour le commissariat central n°02. La moyenne des commissariats d’arrondissement tourne autour de10 hommes. Les plus nantis sont les commissariats du 3ème et du 6èmearrondissement. Dans cette chasse effrénée aucun commissariat ne totalise moins de 3 postes, aucun.

 Donc pendant que les missions régaliennes de la police sont négligées, il y a au moins six hommes qui sont dédiés au gombo des chefs. Tenez par exemple au commissariat central n°02 la répartition hebdomadaire de la « garde des micro finances » fait l’objet d’une note de service affiché au poste de police. Là on peut lire que seize hommes par semaine (en majorité des inspecteurs) sont affectés au gardiennage dans huit structures. Pendant ce temps  2 ou 3 policiers seulement sont opérationnels.                             

Les services payés à la police 

 Les services payés sont bel et bien prévus à la police. Ils font même l’objet d’une règlementation. Un arrêté du délégué général à la sûreté nationale fixe les modalités de répartition des sommes générées par ces services. Mais en l’occurrence le bat blesse à deux niveaux. D’abord, la police a ses missions qui sont principalement d’assurer la sécurité des personnes et de leurs biens et de maintenir ou de restaurer l’ordre public.

 La police est une administration publique, un service public. A ce titre elle doit servir l’intérêt général. Donc les services payés dont il est question ici et qui sont des services rendus à des personnes privées et qui sont rétribués parce qu’ils n’entrent pas dans le service public, ne sauraient supplanter le service public et devenir aussi systématique. Aujourd’hui les responsables de la police considèrent les services payés comme des marchés, et en tant que « entrepreneurs », ils cherchent ces marchés font tout pour les garder parce qu’ils sont juteux sans demander aucun investissement. Bien plus, leurs marchés sont prioritaire surtout. Ensuite, l’argent des services payés doit être géré selon une répartition prévue par les textes. Mais ces textes ne sont jamais respectés. Jamais.             

 Où va l’argent ? 

D’abord que représente l’argent des services payés? Un bon pactole. Un seul poste vaut 400 000f par mois. Ce qui veut dire que la seule Express Union verse 120 000 000f par mois aux différentes unités qui assurent sa sécurité. Si à cela on ajoute la foule des micro finances et autres on obtient des sommes considérables que les bouches des misérables comme celles de nous autres ont de la peine à prononcer.

Ce pactole se partage entre les chefs d’unités et le délégué provincial qui est le chef d’orchestre de cette mafia. Sans oublier le délégué général à qui on envoie sa part. C’est pourquoi il regarde la machination d’un œil bienveillant. Pourtant, d’après les textes la répartition doit se faire de la manière suivante :5O % revient aux éléments qui assurent le service ; le reste se répartit entre l’unité utilisatrice desdits éléments, la délégation provinciale et le délégation générale.

L’argent qui va aux commissariats et aux délégations provinciales sert normalement à renflouer les budgets de fonctionnement et non pour alimenter les fortunes personnelles des responsables. La part de la délégation générale doit garnir ce qu’on appelle le « fond des punis » d’où proviennent les fonds qui servent à récompenser financièrement les policiers qui le méritent. Mais au leu de ça que voit-on ? Les grands galonnés se partagent tout le magot au détriment des éléments.

L’esclave a t-il droit au fruit de son travail ? On donne quand même au chien les tripes de l’animal qu’il a capturé. Et là tout dépend de la «générosité » du maître. Dans certains commissariats, pas plus 5 000f par personne et par trimestre (la répartition est trimestrielle alors que les «clients » payent par mois).

 Les plus chanceux reçoivent 15 000f. Comme exemple prenons le commissariat central n°02 puisque nous savons qu’il y a 08 postes. Cela fait 3 200 000f par mois, donc 9 600 000f par trimestre. En distribuant 15000f par élément à environ 40 policiers qui gardent cela fait environ 600000f au lieu de 4 800 000f si il faut respecter les 50% prévus par les textes.600 000f représente 6,25% seulement. Le reste, les barons se le partage tranquillement, non content d’avoir déjà détournés la part qui est censée renflouer les budgets de fonctionnement. C’est trop pour qu’on continue de l’accepter.

D’abord ces chefs détournent les budgets de fonctionnement, mettant ainsi le « petit » policier en situation délicate face aux usagers qui ne comprennent pas par exemple que le carburant vient souvent à manquer. L’usager pense à coup sûr que le policier refuse de rendre service. Même les véhicules des Essir sont souvent cloués au sol par manque de carburant. Les usagers doivent par exemple pourvoir eux même le papier pour les enquêtes ou les constats d’accidents qu’ils demandent. Ensuite ils détournent l’argent des services payés destinés à leurs unités.

Enfin ils détournent l’argent qui revient aux éléments. Nos collègues du GMI sont mieux traité coté « partage » mais cette prépondérance du service payé rétrograde le service public au rang d’accessoire, ce qui est intolérable. Ces gros bonnets ne s’arrêtent pas là. Ils poussent le bouchon à bout. Les éléments de garde dans les micro finances doivent eux même payer leur transport du commissariat au poste de garde alors que normalement pour tout service hors de leur base les hommes doivent être transportés.

C’est à ça que  servent principalement les cars SN. Ceci veut dire que le policier part de chez lui pour son unité en payant son transport (ce qui est normal), là il décharge une arme pour se rendre dans son poste de garde en payant encore son transport (ce qui n’est plus normal), et le soir, il reviens au commissariat déposer l’arme en payant son transport avant de rentrer chez lui. Ceci est d’autant plus incompressible et cruel de la part de nos chefs que ces services génèrent d’énormes revenus. On assiste ici à une véritable stratégie voulu d’appauvrissement du policier d’en bas par leurs supérieurs.                    

 Pressions, menaces

Vous vous demandez bien comment ces services payés continuent malgré tout à fonctionner. Sachant qu’avec les dérives dont ils se rendent coupables ils ne peuvent pas punir légalement un élément qui refuse de garder, nos chefs usent de méthodes dignes des pires crapules.  Chantages, menaces, tout y passe. Si vous ne gardez pas, votre commissaire vous soumet à toutes sortes de brimade, d’intimidation et trouve toujours le moyen de monter contre vous un dossier disciplinaire sous d’autres motifs.  En plus il n’a qu’à rendre compte au délégué provincial qui vous affecte aussitôt à Ndom, Ngamge ou Yabassi. Cail n’aura pas à le justifier. L’affectation, c’est une arme redoutable, et ça marche. Mais au final que reste-t-il? Des policiers mécontents, aigris, démoralisés, et fortement  frustrés. En faut-il plus pour fabriquer des mauvais policiers ?

Je veux dire les rendre encore plus mauvais, car il parait qu’ils le sont déjà. Car cet état d’esprit pour le moins délétère ne peut que déteindre sur la manière de servir des hommes.  Nous la nouvelle génération avons trouvé sur le terrain des anciens aigris à cause de leurs avancements qui étaient gelés depuis des lustres. Nous ne connaissons pas ce problème. Mais c’est cette affaire de garde des micro finances qui va nous envoyer dans la rue. De discrets contacts sont d’ailleurs entrain d’être noués entre les éléments des unités de Douala et de Yaoundé en vue d’une marche.

Oui une marche pour crier notre ras-le-bol

C’est sérieux et cela aura lieu avant la fin de l’année simultanément dans les deux villes.  Cher compatriotes voila l’état de votre police aujourd’hui, ajouté à tout ses problème de corruption et autres. Nous avons longtemps espéré que la presse se saisirait du problème. Cette presse qu’on dit instrumentalisée et dont l’un des principaux « faroteurs » ne serait personne d’autre que le chef de la police en personne.

Le silence de la presse a-t-il été acheté sur ce sujet ? Nous refusons même d’y penser. Et c’est pourquoi nous avons rédigé cette tribune. Nous espérons trouver une presse qui aura le courage de lui donner un écho. Nous appelons en même temps les journalistes à enquêter sur ce phénomène pour donner aux camerounais un compte rendu fidèle, professionnel et neutre. Il faut que cette mafia, ce bradage de la puissance publique cesse ; que les uns cessent d’utiliser leurs collaborateurs comme des esclaves à leur disposition ; que les gens apprennent à servir et non se servir, afin que la devise « au service de tous et de chacun » ne soit  pas un slogan creux. Nous vous remercions.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :