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Publié par Floriane Payo, Dikalo

Lors d’une déclaration sur les antennes des médias à capitaux publics jeudi dernier, le ministre de la communication a dit que le journaliste décédé à la maison d’arrêt de Kondengui dans la nuit du 21 au 22 avril 2010 était un patient séropositif qui a succombé des suites de maladies opportunistes. Une déclaration qui irrite la famille du défunt.

« Nous avons été humiliés et choqués d’apprendre à travers les médias publics, que notre frère est décédé de vih sida à la suite d’une sérologie positive effectuée à l’infirmerie de la prison. Non seulement, nous disons haut et fort que notre frère n’était pas séropositif, car, les examens effectués à son entrée et qui comportaient entre autres la tuberculose, le vih sida, l’hypertension, la hernie. Seuls la hernie et l’hypertension étaient positives. Et puis même, à supposer que mon frère était séropositif, le ministre de la communication avait-il le droit de divulguer sans notre avis préalable les examens cliniques de notre frère ? »

Ce sont là quelques propos de Mbolè Ngota Thérèse, épouse Tchoubet, ci devant cadette à Ngota Germain Cyrille, directeur de publication de Cameroun express. Propos recueillis par téléphone hier dimanche, 02 mai 2010. Cette réaction d’un membre de la famille du défunt confrère trahit bien les précautions annoncées avoir été prises par le Mincom, lors de la publication du rapport médical du médecin de l’infirmerie de la prison centrale de Yaoundé.

Ledit rapport avait été adressé a-t-on appris du Mincom, au Vice Premier ministre, ministre de la justice et garde des sceaux. En effet, la déclaration du Mincom intervient au moment où le journaliste Félix Cyriaque Ebolé Bola, commis pour prendre part à l’autopsie devant être effectuée sur la dépouille de Bibi Ngota par les médecins légistes de l’hôpital central de Yaoundé la semaine dernière, dit n’avoir pas pris part à l’autopsie.

Selon ce dernier, il est arrivé à l’hôpital lorsque l’autopsie avait déjà été faite. Et du coup, le gouvernement se sentant coincé, a commandé précipitamment un rapport qui devait apporter tous les éléments jugés contradictoires à la thèse de la négligence jusqu’ici évoqué par la famille du défunt à l’endroit du personnel hospitalier du pénitencier de kondengui.

Questions

Ainsi, un rapport est vite apprêté pour éclairer l’opinion nationale et internationale sur les véritables causes du décès du journaliste. Le ministre monte au créneau et dit sa part de vérité. « A l’analyse du résultat des examens complémentaires disponibles le 23 avril 2010 (soit 24 heures après le décès de Bibi Ngota, ndlr), l’on constate que le patient avait une infection généralisée dans un contexte d’immuno dépression sévère. Au total, le détenu avait des antécédents d’hypertension artérielle non contrôlés et une hernie inguinale simple. Les examens de laboratoires effectués à l’incarcération ont révélés une sérologie vih positive. Il convient de signaler que l’intéressé était sans assistance familiale et que le coût des soins était supporté par la prison. Au regard de ce qui précède, le sus nommé est décédé des suites d’infections opportunistes dans un contexte où le système immunitaire était complètement effondré. La prise en charge s’est faite selon l’algorithme national en la matière, l’infirmerie prenant en charge les personnes vivant avec le vih sida… » Affirme le mincom.

Si l’on s’en tient à la déclaration du ministre Issa Tchiroma, les éléments du rapport, envoyé à la hiérarchie judiciaire, le prévenu Ngota est mort des suites d’infections opportunistes et non pas d’hypertension et autres infections liées à l’insalubrité de l’environnement carcéral comme initialement annoncé. Ici, les uns et les autres sont surpris par une telle sortie.

Et du coup, les questions fusent de part et d’autres : pourquoi avoir choisi de publier seulement maintenant le dossier médical du défunt ? Y’ a-t-il eu quelques pressions pour que ces résultats soient publiés aujourd’hui ? Soit une semaine après sa mort ? Pourquoi publier ce dossier médical sans le consentement préalable de la famille du défunt ? Pourquoi le médecin de la prison de Kondengui a-t-il choisi de mettre ce résultat à la disposition de sa hiérarchie et non pas de sa famille au moment où il était encore en vie ? Y ‘a-t-il eu en fin de compte deux résultats d’examens prescrits et effectués par le même établissement pénitencier et dans ce cas, lequel considérés ? Toutes ces interrogations ont certainement une raison d’être car la suite des évènements le démontre à suffisance.

Embrouilles

On ne peut pas s’imaginer qu’un tel scénario cynique, orchestré pour entretenir la diversion dans une affaire aussi grave, se déroule dans un Etat qui se veut moderne et républicain.

En prononçant ainsi la deuxième mort de Bibi Ngota avant même le début de ses obsèques, le gouvernement vient de franchir le seuil de l’illogique et de l’impossible en violant tous les droits dans sa volonté de vouloir absolument justifier l’injustifiable ; sa détermination à rejeter par tous les moyens la responsabilité de la mort de Bibi Ngota sur les autres. Ce qui s’est passé hier soir sur les ondes de radio nationale ridiculise et discrédite davantage notre pays. Un triste visage d’un Etat qui n’a aucun respect envers les morts et où l’on peut publiquement violer le secret médical.

Nous osons croire que le conseil de discipline de l’ordre des médecins du Cameroun se penchera sur le cas de ce médecin irresponsable qui balance le secret médical dans la rue et qui a accepté de faire profil bas pour des raisons que lui seul maîtrise. Que Bibi Ngota ait été séropositif ou pas, n’effacera pas le fait qu’un journaliste malade a été jeté en prison parce qu’il enquêtait sur un dossier qui éclaboussait une haute personnalité de la République et qu’il est mort de suites de négligence et de laxisme. C’est la réalité de cette affaire et tout le reste n’est qu’embrouilles, mensonges et tentative de falsification de la vérité.

La prescription de l’enquête judiciaire par le chef de l’Etat et les sanctions prescrites en cas de culpabilité d’une administration à quelques niveaux de responsabilité que ce soit, peut justifier à plus d’un titre toute l’agitation opérée autour de cette affaire par les pouvoirs publics. Ce qui justifie sans doute, les multiples sorties médiatiques, les vérités et contre vérités qui en découlent. Au bout du compte, on est quelque peu embrouiller en se demandant finalement à quel niveau se trouve la vérité.

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