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Publié par Delphine E. Fouda

   Les thuriféraires du régime oligarque ont incarcéré l’artiste camerounais Lapiro de Mbanga. Il a été interpellé hier matin dans la ville de Mbanga, puis déferé à la prison. La machine répressive du gourou de Mvomeka'a continue sa besogne.



Jean-Célestin EDJANGUE, Le messager 10/04/2008
Révision de la constitution: Le pouvoir jette Lapiro en prison 
L’artiste a été arrêté hier matin à Mbanga.


J’ai été convoqué comme d’habitude à la Compagnie de gendarmerie de Mbanga, ce mercredi matin (hier matin, Ndlr). Arrivé sur place, le commandant de Compagnie m’a conduit chez le procureur de la République qui a estimé qu’il y a trop de témoignages qui me désignent comme étant l’instigateur des manifestations qui se sont déroulées à Mbanga dans la dernière semaine de février dernier. Il a donc décidé de me déférer ”. Lapiro de Mbanga, joint au téléphone par Le Messager, avait plutôt l’air serein et détendu. Régulièrement entendu par les forces de l’ordre au lendemain des évènements violents qui ont secoué une bonne partie du Cameroun il y a près de deux mois, il avait jusque-là été relâché après chaque audition. Y compris après sa déposition au Sed, il y a quelques mois. “ Les auditions ont toujours porté sur ce que je sais des émeutes dont Mbanga a souffert, comme d’autres villes et régions du Cameroun. Cette fois ci, on semble me tenir pour responsable de ces mouvements ”, confie-t-il.
Or, s’il y a des témoignages qui sont à charge, l’administration semble ne pas tenir compte de ceux qui, en revanche dédouanent Ndinga man de toute implication dans ces émeutes. “ Nous sommes dépassés par la tournure des évènements. Je me souviens avoir vu Lapiro descendre de son véhicule, au plus fort des violences pour aller supplier les jeunes de ne pas incendier la mairie de Mbanga qu’ils avaient envahie et s’apprêtaient à détruire. Il leur a dit que si par malheur ils le faisaient, l’administration le prendrait pour responsable. C’est ce qui a permis de sauver ce bâtiment administratif ”, avait confié au Messager un habitant du centre ville de Mbanga. Un autre ajoute. “ Lapiro a joué de sa popularité pour calmer les manifestants extrêmement en colère après la vie chère ”.

Menaces, intimidations, arbitarire…
Qu’est-ce qui a finalement décidé l’administration à coffrer Lambo Pierre Roger alias Lapiro de Mbanga ? Dans l’entourage du musicien leader d’opinion, on soupçonne le double single “ La Constitution constipée ” produit par Lapiro. Dans les allées du pouvoir, on considère cet opus comme l’un des éléments déclencheur des soulèvements populaires de février. “ Libérez big Katika libérez repé ndos. Le pater est fatigué foutez lui la paix ”, demande l’artiste dans sa chanson. Allusion à peine voilée aux groupes de pression qui pousseraient le chef de l’Etat à œuvrer en faveur d’une modification de l’article 6 alinéa 2 qui limite le mandat présidentiel.
Pour beaucoup, l’arrestation du chanteur intervenue au moment où le texte portant révision de la Constitution est sur la table des députés, bien plus, à 48 heures de la séance plénière qui doit adopter le projet de loi querellé, n’est assurément pas une pure coïncidence. L’administration voudrait apparemment prévenir tout désordre à Mbanga, l’un des fiefs de la contestation sociale, en enlevant le très charismatique Lapiro de Mbanga. La forte militarisation observée dans les principales villes du Cameroun, qui s’accompagne des rafles quotidiennes, participent de la même stratégie. Mais alors, un Etat qui se veut démocratique, doit-il gérer par des menaces, intimidations et autres arrestations arbitraires, le mandat que lui a confié le peuple ? Là est toute la question. De fond.

Silence on muselle…
Après Joe La Conscience, artiste condamné à 6 mois de prison ferme, le 20 mars dernier, c’est au tour d’un autre artiste de subir la répression du gouvernement Biya. Lapiro de Mbanga, le chanteur et musicien militant du Sdf a été arraché de sa famille hier mercredi 9 avril et jeté en prison. Le crime commis par le premier : avoir programmé une longue marche de Loum à Etoudi à Yaoundé, pour porter au chef de l’Etat, Paul Biya, le millier de signatures enregistré à travers le pays contre la révision de la Constitution de 1996. L’artiste peintre avait confectionné une pancarte qu’il portait à son cou avec cette mention : “ Touche pas à ma Constitution ”. Par ailleurs, il venait de produire un disque avec pour titre : “ Emmerdement constitutionnel ”. Le second, artiste musicien, a sorti “ La constitution constipée ” qui met en garde Paul Biya et son gouvernement contre les risques qu’entraînerait toute modification de la Constitution du Cameroun. tous les deux leaders d’opinion ont été stoppés net et jetés en prison.
Ces musellements interviennent alors que le pays s’est fortement militarisé et que le projet de loi portant modification de la Constitution est arrivée à l’Assemblée nationale. Ce texte qui sera discuté en séance plénière par les députés ce jeudi, sera logiquement adopté demain vendredi. Le point le plus controversé du projet concerne la levée de la limitation du mandat présidentiel. Une disposition que le peuple semble largement désapprouver, craignant à juste titre une dérive autocratique de la fonction présidentielle. C’est justement pour museler les opposants inconditionnels à la modification de ce l’article 6.2 de la Constitution, que le pouvoir de Paul Biya se signale par une répression accrue. Comme s’il voulait mettre hors d’état de nuire tous ceux qui peuvent le gêner dans réalisation de son cirque…

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