Joe la conscience interpelle Paul Biya
Jean Baptiste Ketchateng, quotidien
Mutations,24/04/2008. L’artiste Joe La Conscience a
rédigé une lettre au président de la République depuis la prison de Kondengui.
La lettre de Joe La Conscience a présenté brièvement sa demande de grâce pour les jeunes grévistes
de février 2008 dès son premier paragraphe. " Monsieur le président, C’est avec une grosse douleur au cœur, que je me permets en ce jour de vous adresser le présent courrier, afin de vous
exprimer la doléance sus mentionnée. " La lettre partie de la prison centrale de Yaoundé ce 22 avril comme l’écrit l’artiste incarcéré (pour six mois) depuis un mois et demi après avoir manifesté
à travers une marche de Loum jusqu’à Yaoundé, son opposition à la modification de la Constitution.
Quand elle s’achève, la lettre de Joe La Conscience est pourtant conciliatrice. " En le faisant, vous consoliderez votre statut de garant de la paix sociale. En le faisant, ce ne sera pas un
geste de faiblesse, au contraire, un acte d’une telle magnanimité vous permettra au soir de votre carrière politique, d’entrer dans les cœurs de ces jeunes gens et de leurs familles, comme un
homme au grand cœur pas du tout rancunier. En le faisant enfin, vous poserez un acte suprême qui pourra participer de la réconciliation des Camerounais avec eux-mêmes."
Ces humbles appels du jeune homme qui va fêter dans deux jours son anniversaire à la prison de Kondengui ne l’ont pourtant pas poussé à renier son engagement. Les événements de février dernier,
souligne Joe La Conscience, auraient pu être évités " si et seulement si, vous et vos principaux collaborateurs étaient vraiment à l’écoute du peuple ". " Ce peuple qui ne demande rien d’autre
que le respect de ses droits les plus élémentaires, comme la liberté d’expression, le droit d’aller et de venir, ainsi que celui de se vêtir et se nourrir à moindre coût. Ce peuple camerounais
qui n’a jamais été d’accord avec votre projet de modification de la Constitution, et qui a utilisé tous les moyens légaux et pacifiques pour exprimer son point de vue qui malheureusement n’a pas
été pris en compte ", écrit encore l’artiste.
Sodomie
Pour autant, reconnaît Joe La Conscience, l’on ne peut " donner carte blanche à ceux-là qui ont profité d’un moment d’incertitude pour piller et détruire le bien commun durement acquis et semer
la panique dans le triangle national ". Lui, le " condamne avec la dernière énergie, en tant que pacifiste et partisan convaincu de la non violence ", bien qu’il ait lui-même vécu la barbarie de
la répression de l’insurrection populaire de février.
" Monsieur le président, explique en effet l’artiste, pour avoir vécu moi-même les arrestations, les tortures et même les procès qui s’en sont suivis, je puis vous assurer aujourd’hui qu’aussi
bien nos forces de l’ordre que notre justice pour qui j’ai beaucoup de respect, tous ont gravement failli à leur mission, pour la simple et bonne raison que de paisibles citoyens qui n’avaient
absolument rien à voir, ni de près ou de loin avec tout ce qui se passait, ont été assassinés pour certains, arrêtés et sauvagement maltraités, puis condamnés à des peines d’emprisonnement qui
constituent actuellement une véritable hypothèque sur leur avenir, pour d’autres, et cela parce qu’il fallait vaille que vaille, produire les résultats réclamés à cor et à cri par la hiérarchie,
afin de mieux se positionner dans la course aux galons. "
Joe La Conscience qui est musicien a également appelé le président du conseil d’administration de la Cameroon music corporation (Cmc) à mobiliser les artistes de cette corporation afin d’obtenir
la libération de Lapiro de Mbanga et la sienne. Mais, avertit-il, " dans l’indifférence totale des couloirs de la mort de nos pénitenciers, ce sont de véritables colonies et armées de sorciers
maléfiques et vampireux qui sont en pleine gestation, et qui le moment venu seront capables [de perturber] la paix sociale ". " Si tant est vrai que gouverner c’est prévoir, conclut-il, vous avez
le devoir historique de sauver ces enfants de la sodomie dont ils sont actuellement victimes dans les prisons, de la misère et de la famine qui les écrase ou tout simplement d’une mort certaine…
"