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Publié par Delphine E. Fouda

Qui nous dira de quoi est mort Séverin Cécile Abéga, écrivain et anthropologue camerounais qui s’est éteint de façon ‘’subite’’ dans la soirée de lundi dernier? L’auteur des ‘’Bimanes’’ a été fauché par la mort alors qu’il semblait au mieux de sa forme bien qu’il  se déplaçait en fauteuil roulant  à la suite d’une intervention chirurgicale au dos.
Par Delphine E.FOUDA
  Au lendemain des évènements sanglants qui ont marqué le pays, on se souvient que Sévérin Cécile Abéga avait accordé un entretien au confrère du quotidien Mutations. Il avait alors déclaré que ’’ les populations s’étaient prononcées, mais il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas comprendre ‘’. Il considérait par ailleurs que le discours de Paul Biya du 27 février, ‘’revanchard et violent’’  ‘’  n’a tenu aucun compte du problème fondamental qui est celui d’une population qui souffre’’.  L’écrivain et anthropologue a-t-il été programmé pour une mort en silence? Cela semble fort probable car l’on reconnaît bien là, l’une des pratiques courantes des sbires du régime Biya à réduire au silence les intellectuels Betis qui osent s’insurger tout haut. Sur ce tableau nécrologique, figure encore en bonne place la tragédie des étudiants camerounais survenue en Guinée Conakry.

 Avant de périr tous noyés, alors qu’ils se rendaient en excursion sur l'île de Room au large de la capitale guinéenne le 15 mars dernier, Inès, Alida Claire, Marius, Boris, Nadine, Elvis, Sandrine, Estelle et Christian avaient gardé l’espoir qu’un jour peut-être, ils se forgeront une belle carrière sur cette terre des vivants. Après une semaine d’études et d’examens, ces jeunes étudiants camerounais avaient souhaité se distraire en empruntant une embarcation  pour se rendre à l’île de Room. Malheureusement celle-ci a chaviré  faisant de nouveaux morts dans les rangs d’une jeunesse déjà sacrifiée.

     Fuyant l’univers académique camerounais ô combien gangrené lui aussi par la corruption, nos jeunes compatriotes avaient choisi  de poursuivre leurs études  sous d’autres cieux. Que de fois n’a-t-on pas décrié ce fléau prétendument  combattu par un régime qui l’a pourtant parrainé ? L’admissibilité aux concours dans les grandes écoles de formation au Cameroun demeure aujourd’hui  entachée de fraudes diverses. A cela vient s’ajouter un système éducatif chaotique où échec, déperdition scolaire, rançonnement et mercantilisme entraînent médiocrité et laxisme. N’est-il pas de notoriété publique que, de la qualité de l’éducation d’un pays dépend son développement socio-économique ? En d’autres termes, si l’on veut que l’éducation contribue au développement socio-économique du pays, il faut que l’école produise des jeunes qui ont reçu un enseignement de qualité. Or dans cet Etat voyou qu’est devenu le Cameroun, les dirigeants se livrent avec délectation et en toute impunité au pillage systématique de la fortune publique. A l’instar de leurs chefs hiérarchiques, les dirigeants des établissements publics se sont eux aussi lancés dans la quête du gain en commercialisant  les inscriptions dans les lycées, de sorte que l’on ne tient plus compte du sureffectif dans les salles de classes où les enseignants, préoccupés par leur survie, se consacrent plus à des activités parallèles (petits commerces…) qu’à la formation de cette jeunesse appelée à prendre la relève.

     Ce sont ces tares, que ces jeunes camerounais ont fui, refusant de devenir des laisser pour compte d’un Etat  barbare devenu trop cruel pour leur avenir. Assoiffés de connaissances et désireux de ne point sombrer dans la clochardisation, ils ont choisi, comme beaucoup de leurs concitoyens, de quitter leur terre pour s’abreuver ailleurs. Ce sont également ces mêmes vices que nos jeunes compatriotes ont décriés dans les rues au mois de février dernier ; mais pour toute réponse, ils ont reçu des tirs à balles réelles. Pour cette jeunesse sacrifiée, un devoir de mémoire s’impose.

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