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Publié par Quotidien Mutation,JB KETCHATENG

Depuis ce jour dedécembre 2004 où Jacques Fame Ndongo est devenu ministre en charge des universités combien de jeunes sont morts sur les campus d’ici et d’ailleurs où ils ne demandaient rien de plus que d’accéder à ces savoirs qui partout ont fait progresser le genre humain ? Ce n’est certes pas au professeur de sémiologie que l’on essaiera d’expliquer le sens de ces mots et trouver la réponse arithmétique. Le ministre de l’Enseignement supérieur n’est pas la main qui sème tous ces morts sur le chemin de l’école. Mais qui mieux que les responsables des politiques publiques doit répondre de cette situation ?
          La crise de l’université camerounaise s’est en effet colorée ces dernières années du sang de jeunes gens et filles assassinés sur les campus échauffés de Buea et Yaoundé. Et Jacques Fame Ndongo, à peine arrivé, a dû affronter ces grèves, qui comme en avril 2005, s’achèveront de manière dramatique. L’armée ouvrant le feu sur le campus où l’on revendiquait tantôt de meilleures conditions d’études, ou encore une justice dans la sélection des étudiants en médecine. Des morts. Et pourtant dans l’un et l’autre cas il ne s’agissait que de mécontentement estudiantin.

Ces révoltes juvéniles qui ailleurs, l’on cite à loisir l’exemple de mai 1968 en France, ont permis aux sociétés humaines de se remettre en question, n’ont accouché sous le règne de Fame Ndongo, et de sa nouvelle gouvernance universitaire qui sonne aux oreilles de nombre d’observateurs comme un écho du Renouveau de Paul Biya, que d’une répression à la fois sauvage et sibylline. Quand la violence n’est pas venue à bout des revendications, c’est bien de la diversion ou de la langue de bois (un art consommé chez ce spécialiste de la parole qui n’a pas hésité à s’asseoir sous la pluie pour calmer un campus de Yaoundé en furie) que le ministère de l’Enseignement supérieur a usé pour répondre aux problèmes pertinents posés.

L’enfant de Nkolandom près d’Ebolowa n’est-il pas d’ailleurs bien placé à 58 ans pour témoigner de la déliquescence de l’université et botter en touche à chaque fois que la question fondamentale de l’engagement de l’Etat pour l’éducation des enfants du Cameroun ressurgit ? Lui qui, depuis les classes d’initiation à la lecture à Ma’amezam, jusqu’au collège de la Retraite et à l’université à Yaoundé a bénéficié des bienfaits de l’Etat providence au point de se distinguer comme l’un des meilleurs sujets des promotions dont il faisait partie. Faut-il donc croire que l’ancien rédacteur en chef du très catholique Effort camerounais a oublié le devoir de gratitude du bon chrétien ?

Aujourd’hui en effet, face au drame des étudiants camerounais noyés à Conakry, il n’a pas trouvé meilleure réponse qu’un communiqué rappelant aux parents et aux candidats à l’enseignement supérieur qu’il existait des possibilités d’étudier au Cameroun dans ces domaines pour lesquels les jeunes camerounais s’expatrient dans des pays parfois en crise profonde comme la Guinée. Une manière de dire qu’il n’est point besoin de partir pour savoir ? Soit. Mais que dire de cette offre qui va en s’améliorant, comme aime à la rappeler Jacques Fame Ndongo, selon les disponibilités du Trésor camerounais et la bonne volonté proclamée du gouvernement ?
" J’ai vu les installations de la nouvelle faculté de médecine de l’université de Douala et j’étais bien obligé de conclure avec le doyen que l’on ne peut ne pas avoir bien plus que cela comme le minimum pour commencer ", indique un professeur. Là où le ministre de l’Enseignement supérieur souligne les initiatives privées, ne peut-on pas lui rappeler les difficultés administratives des projets comme la Bamenda university et l’université des Montagnes ? Certes, la nouvelle gouvernance universitaire ne s’accommodera pas d’un laisser-aller institutionnel qui favoriserait la multiplication d’universités au rabais, les fameuses " écuries " que redoutait un ancien ministre de l’Enseignement supérieur, Jean Marie Atangana Mebara. Bien que par ailleurs, à y regarder de près, les Bts professionnels dont les offres prolifèrent au Cameroun ne correspondent ni à la demande des entreprises, ni aux besoins réels d’un pays à développer comme le Cameroun.

Qui peut en effet sérieusement douter que les domaines apparemment réservés de l’éducation auxquels se sont attaqués ces initiatives privées ont précipité la création des toutes premières facultés de pharmacie et les nouvelles écoles de médecine dans les universités d’Etat, un demi-siècle après l’indépendance ? Un réveil de l’Etat qui a du mal à cacher une option manifeste pour une politique éducative au rabais et qui ne prend même pas en pitié ses victimes indirectes comme les morts de Conakry. Cette capitale africaine qui accueillit tout d’abord les réfugiés politiques de la répression du régime d’Ahmadou Ahidjo avant les réfugiés du savoir, pour la mémoire de qui, Jacques Fame Ndongo a d’abord cru nécessaire de dépêcher quelques directeurs de son administration, bien après qu’une compagnie de téléphonie se soit proposée de rapatrier les dépouilles des onze étudiants camerounais noyés au large de Conakry il y a deux semaines.

Onze morts, fallait-il plus pour déplacer un ministre de la République, comme il s’est résolu à le faire ? Pour un thuriféraire du régime Biya à qui l’on prête un pouvoir occulte important dans les batailles au sein du Rdpc (il se vante d’avoir fait partie des états-majors de campagne électorale depuis 1992), ainsi qu’une ambition successorale à la présidence de la République, les Camerounais seraient en droit d’attendre plus de sollicitude. Mais l’homme sous le ministère (à la Communication) duquel s’est radicalement développée la presse " famélique " autrement baptisée " journalisme du Hilton " peut-il encore comprendre que ses jeunes compatriotes ne cherchaient que le savoir sur les chemins mortifères de l’école ?

© 2008 QuotidienMutations

 

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