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Publié par Delphine E. Fouda

 Camer.be, Correspondance particulière de : Thierry AMOUGOU, Macroéconomiste, doctorant à la Faculté des Sciences Economiques sociales et politiques de l’UCL en Belgique La crédibilité de l’UPC historique ne peut devenir contagieuse que si l’UPC moderne la mérite par des actes et des projets qui mobilisent et rassemblent les Camerounais (...)Les origines sociales de l’UPC ont été démontrées par de nombreuses recherches scientifiques dont notamment celles de Richard Joseph et d’Achille Mbembe. En effet, ce qui deviendra l’Union des Populations du Cameroun en Avril 1948 est une mise en forme politique d’un mouvement général de contestation de l’Etat-colonial par le peuple camerounais.

Le combat nationaliste et d’émancipation mené par l’UPC historique contre le pouvoir colonial est donc le fruit d’une auto-institution de la société camerounaise qui refusa de chercher ses limites, ses points d’appui, ses références, ses symboles et le socle de ses lois ailleurs qu’en elle-même : Um Nyobé, Osendé Afana, Félix Moumié, Ouandié et bien d’autres en furent des leaders si crédibles qu’ils laissèrent leur vie au combat contre le régime colonial et ses relais locaux.

Aujourd’hui, force est de constater que l’UPC moderne est en panne. Elle n’a jamais réussi à fructifier le capital symbolique et politique que l’UPC historique a laissé en héritage aux populations camerounaises. La reproduction moderne du mouvement nationaliste camerounais se conjugue en particules rivales qui peinent à retrouver cet ancrage social qui lui a donné naissance et a crédibilisé le combat au service duquel ses figures historiques ont affronté la redoutable machine coloniale. Cette situation provient d’une auto-aliénation de l’UPC moderne. C'est-à-dire d’un ensemble de stratégies politiques individualistes - incarnées notamment par Kodock et d’autres courtisans du régime en place - qui extériorisent l’UPC des aspirations sociales des Camerounais. Cette logique construit une société hétéronome qui s’aliène à sa propre institution prise en otage par des leaders qui trahissent le sens collectif du combat historique pour satisfaire leurs intérêts individuels. En conséquence, les évidences se renversent : au lieu que l’UPC moderne soit au service des populations, ce sont les populations qui sont au service de l’UPC moderne dans la mesure où certains de ses actuels leaders transforment ces populations en un fonds de commerce pour leur ascension politique et économique.

A ce titre, l’auto-aliénation de l’UPC moderne est aussi cette incapacité à se concevoir et à se réinventer comme une institution sociale autonome capable de poursuivre l’écriture de l’histoire politique du Cameroun par de nouvelles offres politiques crédibles pour le Cameroun présent et futur. Aussi, dire « qu’il n’y a pas d’UPC sans lutte armée » est une erreur fondamentale. Si l’existence d’un régime dictatorial qui use de la violence physique et de la violence structurelle sur les populations exige et construit obligatoirement en retour une violence libératrice au sens nietzschéen, marxiste, sartrien ou fanonnien de ce terme, faire de la lutte armée l’essence de l’UPC limite son existence à celle de ses adversaires que sont les dictatures qu’elle combat. C’est faire de l’UPC moderne un mouvement qui, même lorsque les conditions démocratiques seront acceptables au Cameroun, ne pourra exister qu’en continuant artificiellement une lutte armée qui ne se justifiera plus dans un régime démocratique. Ce serait une autre forme d’auto-aliénation à la lutte armée qui n’est qu’un instrument contingent de lutte politique contrairement à l’essence du mouvement « upéciste » dont le but ultime et éternel, parce que normatif, est de faire prendre conscience aux populations qu’elles doivent s’auto-instituer et devenir maîtresses de l’histoire et de l’avenir de leurs pays. L’objectif de la dialectique révolutionnaire est en effet de transformer les populations en une arme autonome et consciente d’organisation et de réorganisation de sa vie. C’est ce qu’a fait l’UPC historique en se montrant conséquentialiste par rapport à la conquête des libertés individuelles et collectives des Camerounais. D’où la question de savoir si les leaders historiques ont mis la barre tellement haut que les « upécistes » actuels sont incapables de rivaliser. Pourquoi les aînés qui ont connu une répression féroce et meurtrière de la part des colons ont réussi à aller au bout de leurs convictions alors que l’UPC moderne est devenue un ensemble d’électrons libres qui n’arrivent pas à trouver une force d’attraction entre eux pour organiser un simple congrès pour les 60 ans du mouvement ?

Quelques éléments peuvent permettre de sortir de cette situation.

Premièrement, sans aller jusqu’à dire comme Hegel et Marx que l’histoire est un matériau mort, il est important de ne pas se sentir prisonnier des stratégies de lutte adoptées par l’UPC historique qui était réprimée plus durement et n’avait aucune autre alternative que celle-là.

Deuxièmement, ne plus adopter des stratégies politiques qui mettent l’UPC en porte-à-faux par rapport aux revendications collectives des Camerounais au point de saper ses bases sociales qui en garantissent la crédibilité politique.

Troisièmement, aller au bout de ses décisions en tenant son congrès quoique que dise la dictature en place au Cameroun.

Quatrièmement, apprendre de l’histoire sociopolitique de notre pays qui montre comment certains leaders du parti ont pactisé avec le régime dominant de l’époque en trahissant ainsi la confiance des Camerounais et de leurs frères, amis, collègues et militants. Ceux qui disent que le congrès de l’UPC va troubler l’ordre public ne savent pas qu’ils prennent juste la place des colons et assurent la répétition de l’histoire qui survient chaque fois que les victimes oublient les violences qui les avilissent. Ils agissent dans le même registre répressif que le pouvoir colonial dont l’ordre des hommes et des choses allait à l’encontre du bien-être des populations camerounaises.

La crédibilité de l’UPC historique ne peut devenir contagieuse que si l’UPC moderne la mérite par des actes et des projets qui mobilisent et rassemblent les Camerounais dans une identité collective de conquête d’autonomie sociopolitique face à toutes les formes actuelles de dictature : la sortie de l’auto-aliénation actuelle de l’UPC moderne consiste à recréer une nouveauté politique radicale (c'est-à-dire socialement autonome) qui, sans nier le passé, s’en émancipe et accepte de payer le prix de l’audace jousqueboutiste pour une démocratie intégrale qui face triompher « l’âme immortelle » en posant les bases d’un Cameroun nouveau où le peuple camerounais devient une arme de destruction massive de la dictature en place.

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