Cameroun : Près de 2 milliards Fcfa portés disparus à la trésorerie de Douala
Eugène Dipanda, Mutations,25/08/2008. De lourds soupçons pèsent sur l'ex-caissier principal, qui s'est volatilisé dans la nature depuis quelques jours.
Les textes signés par le ministre des Finances vendredi, 22 août dernier, et portant nomination de nouveaux responsables à la Trésorerie de Douala, n'ont rien de banal. En provenance de Nkongsamba, M. Ndzana Jean, le nouveau Trésorier payeur général (Tpg) de la capitale économique, atterrit en effet de plain-pied dans une fourmilière, où il remplace M. Jean-Louis Edou Olo'o. Ce dernier, indique une source généralement bien informée, a été "mis à la disposition de la police" aussitôt la passation de service effectuée vendredi dernier. Le même jour, un nouveau caissier principal par intérim a également pris place à la Trésorerie de Douala. Il remplace à ce poste le nommé Ibrahim Toukour Mohamed, qui a "disparu de la circulation" quelques jours avant la décision signée du ministre Essimi Menye. Selon des sources internes au ministère des Finances (Minfi), ce dernier aurait emporté avec lui "une importante somme d'argent qui avoisinerait 2 milliards de francs Cfa".
Une enquête a d'ores et déjà été ouverte pour retrouver ses traces, indique la même source. Comment en est-on donc arrivé là ? Selon des informations glanées par Mutations auprès de diverses sources, depuis trois semaines déjà, une "mission de contrôle" commise par le Minfi est à pied d'œuvre dans la circonscription de Douala, qui regroupe quelque 25 postes de Trésorerie éparpillés dans la province du Littoral. Basée à la recette des Finances, elle a pour mission principale, apprend-on, de passer au peigne fin toutes les écritures comptables consignées dans les livrets de la Trésorerie depuis le mois de janvier 2008. Après avoir fait le tour des différents postes, la mission en est presque à la dernière étape de son parcours, avec l'expertise de la comptabilité de la Trésorerie générale. Une escale qui, selon des sources internes, semble cependant poser "quelques problèmes".
Investigations
Nos sources révèlent, en effet, que la mission de
contrôle du Minfi aurait constaté que les écritures comptables de trois journées (29, 30 et 31) du mois de janvier 2008, sont introuvables dans les fichiers de la Trésorerie. Plus grave, alors
que la recherche des failles éventuelles n'en est qu'au mois de mars 2008, un trou d'environ 900 millions Fcfa aurait été découvert dans les comptes. Ceci expliquerait-t-il la "fuite" de M.
Ibrahim Toukour Mohamed, le caissier principal ? Dans les services locaux du Minfi à Douala, plusieurs thèses l'attestent, en tout cas.
La dernière fois où M. Ibrahim Toukour Mohamed a été aperçu dans les bureaux de la Trésorerie de Bonanjo (Douala), remonte en effet à la journée du mardi 19 août 2008. Comme chaque mercredi, il
était pourtant attendu à son poste de travail par une escorte de forces de l'ordre aux premières heures de la matinée du 20 août, pour le transfert des recettes de la semaine à la banque (Beac).
Il ne s'y est pas présenté. Il n'était pas joignable sur son téléphone portable non plus. Accompagné du fondé de pouvoir n° 2, le Tpg Jean-Louis Edou Olo'o se serait alors rendu au domicile du
caissier principal, où seuls deux messieurs qui disent travailler dans les boutiques de M. Ibrahim Toukour Mohamed, ont été retrouvés. Selon des sources policières, leurs déclarations sont assez
ambiguës.
L'un d'eux, apprend-on, a soutenu que "le patron" était absent de la maison depuis la veille, mardi 19 août. L'autre, rapporte plutôt que M. Ibrahim Toukour Mohamed est sorti très tôt de chez lui, dans la matinée du mercredi 20 août. En attendant d'y voir plus clair, les deux "témoins" sont en "exploitation" à la police. Entre-temps, la rumeur continue d'enfler à propos d'une éventuelle sortie du pays du caissier principal. Des mesures dites de sécurité ont aussitôt été prises au sein de la Trésorerie. Mercredi et jeudi derniers, par exemple, seuls les agents du Trésor avaient accès aux locaux, et sous haute surveillance. Vendredi, le jour où la passation de service a eu lieu, personne n'a été autorisé à franchir le seuil des bureaux. Dans le même intervalle, le compte de gestion de la Trésorerie logé au quartier Akwa (Douala), a été scellé. Tout comme le centre des Impôts d'Akwa et celui basé à la Recette des Finances de Bonanjo.
Aux dernières nouvelles, les éléments de la police judiciaire poursuivent des enquêtes internes à la Trésorerie générale de Douala. Selon nos informations, certains agents de la Comptabilité, de la Dépense et du Service de traitement informatique de la comptabilité (Stic), ont été soumis aux contrôles tout le week-end dernier, jusqu'à des heures tardives de la nuit. Quelques indices retenus par les enquêteurs pourraient par ailleurs mieux orienter les recherches. D'abord, le listing des appels téléphoniques de M. Jean-Louis Edou Olo'o, démontrerait que l'ex-Tpg a eu une discussion téléphonique avec M. Ibrahim Toukour Mohamed dans la nuit de mardi, 19 août vers 21h. Ensuite, une doublure de la clé du coffre-fort de la Trésorerie aurait été découverte au domicile de l'ex-Tpg, affirme une source policière. Manifestement, l'affaire promet des vagues. Et, ce lundi 25 août 2008, rien n'indique que le travail reprendra normalement à la Trésorerie de Douala, où la police fait le siège depuis vendredi dernier.