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Publié par Delphine E. Fouda

                            Cyrille Ekwalla, Cameroonvoice,22/08/2008.  Le chef de l'État a fait un discours qui, à la limite, se moque des préoccupations du peuple. En choisissant de s'exprimer une semaine après l'évènement, Paul Biya a raté une belle occasion de ... ne rien dire !
La communication politique repose sur deux piliers fondamentaux : l'intention de communiquer et le choix du moment. La récente actualité politico-médiatique au Cameroun éclaire, à bien des égards, la maîtrise, ou pas, de la communication par les acteurs politiques en général et le président de la République en particulier. C'est un même un facteur déterminant dans un processus d'adhésion.
Paul Biya s'est adressé aux Camerounais, ou plus exactement, a dit son sentiment sur la rétrocession de la presqu'île de Bakassi, le 21 août 2008, soit une semaine exactement après la date effective de cette rétrocession, le 14 août exactement. Le chef de l'État le sait mieux que quiconque, et ses spin doctors en sont conscients : tous les projecteurs étaient braqués sur le Cameroun ce jour du 14 août. C'est ce jour qu'il aurait dû marquer d'un geste fort et symbolique, "cet évènement historique"; c'est ce jour qu'il aurait dû rendre hommage " aux vaillants soldats camerounais envers lesquels le Cameroun aura une reconnaissance éternelle "...

En choisissant de s'exprimer une semaine après l'évènement, Paul Biya a raté une belle occasion de ... ne rien dire ! Tous les spécialistes en stratégie et communication politique, vous diront que c'est une erreur, un mauvais timing.

Le mauvais timing des communications présidentielles

Encore qu'on pourrait légitimement se poser la question de savoir si ce n'est pas voulu. À bien des égards, la stratégie de communication du locataire d'Etoudi laisse à penser qu'elle se fait au mépris du peuple camerounais. Peuple auquel sont censés être dirigés ses messages, ses discours. Pour s'en convaincre, il suffit de reprendre les trois dernières interventions importantes du Président Biya : le 30 novembre 2007, en terre étrangère (France) et dans un média étranger (France 24), il donnait le "coup d'envoi" d'un processus qui a conduit à la modification de la Loi Fondamentale camerounaise à son profit et au détriment du sentiment ou de la volonté populaire ; le 27 février 2008, par une déclaration enflammée, il tança la jeunesse qui exprimait son désarroi et son désespoir à travers des émeutes faussement qualifiées " d'émeutes de la faim " et en ce jour du 21 août, le message qu'il dit " adresser au peuple camerounais " est si éloigné des préoccupations actuelles qu'on se demande pour quoi et pour qui, Paul Biya s'est exprimé.

En une semaine, que d'évènements se sont bousculés dans l'actualité : Mbango Françoise a été championne olympique, un incendie a fait une dizaine de morts et de nombreux blessés à la prison de Douala, des expulsés de Ntaba et de la Brique ? quartiers de Yaoundé- se font de plus en plus nombreux,  la Commission contre la corruption (Conac) est " sortie du bois ", des camerounais se font expulser du Gabon, un ex- ambassadeur du Cameroun semble " introuvable "?On le constate, la vie suit son cours et les camerounais se démènent toujours face aux  difficultés...

Alors, quand on annonce que le président de la République va s'adresser à la nation, cette nation attend sûrement plus qu'un laïus de quelques minutes sur la rétrocession de Bakassi, une semaine après. Une stratégie de communication comme celle-là, utilisée en ce moment par Paul Biya, peut être perçue par l'opinion comme de l'indifférence, du mépris envers son peuple.

Paul Biya, comme à son habitude,  a lancé des stimuli. Il observe et, sans doute, se délecte des réactions, des masques qui tombent et des courtisans qui pérorent. Sur la base d'une communication politique qui mêle l'art du silence  à celui du demi-mot, il jauge l'opinion et les contorsions de ceux qui sont supposés être les siens. Du côté des partis et leaders politiques de l'opposition, dont on aurait légitimement attendu des réactions d'ordre politique, ils sont enténébrés dans un mutisme affligeant. Englués qu'ils sont pour certains dans des querelles intestines, d'autres pour des raisons matérielles, ils ne peuvent prendre part au débat. La vacuité de leurs analyses, l'absence de propositions concrètes ou de projets de société, explique peut-être, (sûrement ?) leur renoncement intellectuel à toute alternative politique autre que " TSB " (Tout sauf Biya). En attendant, c'est le peuple qui trinque !
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