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Publié par Thierry Amougou in camer .be

La corruption du Renouveau National est dorénavant à la conquête des morts et des héritages des héros camerounais. Dans un pays où les détournements de deniers publics sont devenus des pratiques banales, entendre parler de millions et de milliards de Fcfa volatilisés à tous les coins de rues, n’émeut plus grand monde. C’est le grand danger que court pourtant le pays car la dérive vénale ambiante a réussi à normaliser les esprits des Camerounais à ce qu’on peut appeler « la république de l’argent mal acquis » au dessus de toutes les autres valeurs.En conséquence, le cambriolage d’un Ministère camerounais des Finances fait figure d’appendice lorsqu’on apprend que Paul Biya a offert 10 millions de Fcfa à la famille du regretté Pius Njawé. Cet acte est de nature à laisser stupéfaits uniquement ceux qui, volontairement ou par fainéantise analytique, ne veulent voir la nature profonde du Cameroun construit par le Renouveau National depuis 1982.

Ce qui se trame et se met en évidence dans et par ce geste est un machiavélisme compatissant dont les conséquences sont plus destructrices pour le pays que l’appauvrissement matériel des masses induit par la république de l’argent mal acquis.

* De la violence physique à la violence symbolique

 

* La Famille de Pius Njawé doit honorer sa mémoire en refusant cet argent qui sonne comme un cri de victoire de l’argent mal acquis du Renouveau National sur les valeurs que défendait Pius Njawé

La violence symbolique dont je parle vient parachever le travail de la violence physique que la mal gouvernance et les détournements exercent sur les corps des Camerounais. Il s’installe donc une chienlit sociale capable de fourvoyer jusqu’à de grandes intelligences. C’est l’occasion de rappeler ici que l’œuvre, le combat, l’héritage et les valeurs de Pius Njawé ne peuvent être corrompus par les biens mal acquis du Renouveau National.

Il est important que des Camerounais et le Cameroun se construisent, non sur l’argent qui, par le geste présidentiel, envoie le message de sa toute puissance, mais sur des valeurs de travail, de justice sociale, de vérité, de liberté et de méritocratie que défendait Pius Njawé. Par cet acte présidentiel, les Camerounais comprennent aussi pourquoi être président en Afrique Noire équivaut à vivre le paradis sur terre. Ce n’est qu’à ce poste qu’on peut se faire un vilain plaisir à mettre un journaliste en prison plus d’une centaine de fois pendant sa vie, et se faire un plaisir non moins jouissif à envoyer 10 millions de FCFA à sa famille une fois que celui-ci passe de vie à trépas. C’est la manifestation concrète du complexe du salvateur qui habite nos dictateurs. Ce geste revient en effet à dire : « je suis Dieu sur terre et je peux vous pardonner vos péchés contre moi. Et qui sait si affinités…».

La Famille Njawé se doit de refuser officiellement cette aide si elle a ne serait-ce que du respect pour l’œuvre de celui qui nous a aujourd’hui laissé. Accepter cet argent revient à participer aux pratiques de corruption que Pius Njawé a combattues pendant toutes sa vie. Les funérailles de Njawé ne sauraient être celles où la république vénale du Renouveau National s’exprime et se gargarise. Les obsèques de Pius Njawé doivent laisser l’écho d’un message autrement noble aux Camerounais. Le message qu’une autre vie et d’autres valeurs sont possibles. Un message qu’une vie utile aux autres, une vie noble et pleine de combats légitimes est à promouvoir dans un pays où sévit l’agent mal acquis. Ce ne sont pas des obsèques où l’argent mal acquis du pouvoir doit prendre le pas sur les valeurs que laisse Pius Njawé en héritage aux Camerounais. En acceptant cet argent c’est ce qui se passe. Madame feu Alexandre Biyidi a refusé la décoration à titre posthume envoyée par le Renouveau National à la mort de son mari. Ça s’appelle être cohérent avec le sort que « les seigneurs de l’argent » ont  réservé à celui qui nous quitte et à ses valeurs.

Tout n’est pas à mettre à la solde de l’argent. Les Camerounais, aujourd’hui appauvris à l’extrême, semblent l’oublier car les codes de l’honneur sont perdus. Ceux de la famille Njawé qui ont fait la démarche auprès du pouvoir pour cet argent ne sont qu’un exemple type d’un pays où l’argent est la valeur suprême et doit être acquis par tous les moyens, étant donné que l’appauvrissement généralisé du peuple camerounais augmente sa propension à fouler aux pieds de nombreux codes d’honneur.

* Paul Biya est-il plus touché par la mort de Pius Njawé que par celle de l’auteur du « vieux nègre et la médaille »?

Le Renouveau National ne doit pas corrompre tout un peuple après l’avoir appauvri pour justement le rendre corruptible par des gestes de la nature de ceux du président camerounais. S’il n’y a plus de choses non vendables et sans prix comme la mémoire de Njawé, alors le Renouveau National a encore de très longs jours devant lui. Ceux de la famille qui ont pris cet argent pensent-ils que Paul Biya aime plus Pius Njawé que son compagnon et complice Ferdinand Oyono récemment décédé ?

Si la réponse à cette question est négative comme on peut le supposer, avoir un peu de jugeote revient à voir qu’il n’a pas dit aux Camerounais combien il a donné pour enterrer Ferdinand Oyono parce que la mort de celui-ci ne lui rapporte rien du tout politiquement. Il dit officiellement combien il donne à la famille de Pius Njawé car le machiavélisme compatissant a pour singularité de capitaliser même les dépouilles de ses ennemis. L’émotion populaire que suscite la mort de Pius Njawé à travers le Cameroun contraste tellement avec l’indifférence populaire qui a suivi celle de Ferdinand Oyono, que prendre l’argent de ce pouvoir revient à mélanger bourreaux et victimes. Le tapage médiatique savamment orchestré par le pouvoir et Tchiroma n’est alors rien d’autre que l’expression du plaisir jouissif d’un « Tarzan » qui crie victoire devant le corps sans vie de son ennemi juré.

* Des gestes qui incarnent les traits caractéristiques d’une dictature

Les 10 millions de FCFA donnés à la famille de Njawé par Paul Biya sont aussi caractéristiques d’une dictature. Pius Njawé de son vivant réclamait à l’Etat camerounais une somme voisine qui n’a jamais été payée par l’Etat camerounais qui, subitement, lui fait à titre posthume, un don d’une valeur presque équivalente. Où est-ce que le président camerounais prend cet argent qu’il distribue ainsi si ce n’est dans les caisses de l’Etat ? Que combat alors l’opération épervier ? Que voulait le Renouveau National si ce n’est la mort du Messager en refusant de payer à Njawé ce que l’Etat devait à son journal ?

 

En outre, si ce que l’Etat devait à Njawé doit être payé, ce n’est pas à la famille du défunt mais au Messager. Il ne s’agit pas de ça mais d’une offre que Paul Biya fait à la famille tout en lui présentant ses condoléances. Ce sont des actes caractéristiques d’une dictature. Celle-ci ne se réduit pas seulement à l’absence de liberté, mais aussi à la pollution de l’espace public et de l’intimité des citoyens par sa toute puissance et son ego surdimensionné.

On est dictateur parce qu’on dispose aussi d’un ego surdimensionné qui veut se mêler de tout et triompher de tout. Les 10 millions de FCFA donnés à la famille de Njawé par le président veulent introduire l’ego de celui-ci jusque dans le lit de mort de Njawé en polluant ainsi ses obsèques par des attributs mal acquis grâce à un pouvoir que le défunt a combattu toute sa vie durant.

 

Tu as combattu le Renouveau National et le Renouveau National t’enterre. Avec son argent mal acquis face au peuple démuni, il peut faire ce qu’il souhaite de la mémoire des héros camerounais. C’est ça le message des 10.000.000 de FCFA donnés par le président. La mort est donc vraiment la pire des défaites sur terre. Il n’aurait pas été ainsi que Pius Njawé se serait réveillé à la première seconde de cet acte machiavélique. Njawé est vraiment mort puisque ses éternels bourreaux jouent désormais aux bons samaritains à son endroit.

 

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