CAMEROUN, le délinquant en chef couvert d’immunité constitutionnelle
Paul Biya a donc demandé que, pour chacun de ceux qui sont suspectés de prétendre à son trône désormais monarchique, il soit collé un dossier de détournements des fonds publics et de corruption. Ce qui au demeurant ne peut pas manquer dans le dossier de chacun de ceux qui ont servi dans son gouvernement, où les ministres ont été pendant des décennies encouragés à s’enrichir comme ils veulent sur le dos des usagers et des biens publics.
Etant désormais assuré que ses propres actes en tant que président de la république sont « couverts par l'immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l'issue de son mandat » (Constitution du 10 Avril 2008, Titre VIII De La Haute Cour de Justice, alinéa 3) et qu’il « ne peut être mis en accusation que par l'Assemblée nationale et le Sénat statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité des quatre cinquièmes des membres » (alinéa 2) - tout un beau monde du RDPC qu’il garde sous son contrôle -, Paul Biya s’estime le tout puissant, couvert d’une impunité éternelle.
Il peut ainsi se livrer à couper des têtes gênantes autour de lui, en les accusant des crimes que lui-même commet sans autre forme de procès.
Puisqu’il est couvert par une telle immunité totale, personne n’osera plus lui demander de déclarer ses biens personnels sujets à enquêtes, s’étonner de ce que le coût d’un mois de scolarité de sa fille au collège du Léman en Suisse soit capable de construire une salle de classe et le coût d’une année scolaire de ses enfants légitimes et adoptifs à l’étranger tout un lycée au Cameroun, se demander si son salaire de président est ce qui finance le coût extrêmement élevé de ses longues « courtes visites privées » annuelles en Suisse et en Occident.
De même son immunité couvrira les actes de son épouse, dont la Fondation Chantal Biya et les autres initiatives dites charitables servent de caisses de collecte des fonds de corruption, que le président exige aux ministres et hauts fonctionnaires qu’il nomme, aux hommes d’affaires qui sollicitent des contrats de partenariat avec l’Etat camerounais, et aux étrangers désireux de faire les affaires au Cameroun.
Tout comme pour les caisses du RDPC, les cotisations à verser dans les « œuvres caritatives » de Chantal Biya sont la condition à remplir pour espérer être nommé par Paul Biya à un haut poste, qui donne aussi automatiquement accès au cercle huppé des « élites » offrant au bénéficiaire les opportunités de gains personnels dans le cadre de la corruption et les détournements des biens publics.
Il est tout aussi évident que resteront impunis ses propres détournements ainsi que ceux de son entourage et des anciens barrons d’Ahmadou Ahidjo à la Société Camerounaise de Banque et dans les autres banques liquidées, les fameux « crédits politiques » dont les créances furent toutes remboursées pour un total de 35 milliards Fcfa à la seule SCB par un coup de signature présidentielle en 1991 chargeant l’Etat d’un prêt d’égal montant entièrement remboursé par le contribuable camerounais.
Le montant total des « crédits politiques » sur toutes les banques liquidées fut par la suite consolidé et remboursé par un prêt 314 milliards Fcfa de la BEAC, que le contribuable camerounais continue de rembourser jusqu’à ce jour.
En clair, non seulement les dirigeants d’Ahmadou Ahidjo et Paul Biya ont détourné les fonds publics des Camerounais, ils continuent de puiser des fonds dans les banques commerciales pour leurs plaisirs personnels, que les Camerounais sont ensuite contraints de rembourser à leur place pendant des décennies.
Qui ira encore interroger Paul Biya au sujet des fonds recouvrés auprès des anciens clients et débiteurs des banques liquidées par la Société de Recouvrement des Créances, dont le montant total s’élevait à 340 milliards Fcfa en mi Juin 1993 d’après le rapport du FMI SM/93/163. Les fonds recouvrés, d’après le directeur de la SRC de l’époque Dieudonné Oyono, étaient systématiquement transférés au ministre des finances d’alors, Antoine Ntsimi.
Quand on sait que les fonds ainsi recouvrés n’entraient pas dans le budget, il est évident qu’ils disparaissaient dans les comptes personnels de Paul Biya et ses ministres des finances. Signalons bien que le montant total des créances recouvrées à ce jour est plusieurs fois le montant de 340 milliards de juin 1993. L’immunité présidentielle de Paul Biya exclue toute enquête sur de tels vastes détournements des fonds publics.
De même Paul Biya ne pourra pas être poursuivi pour les détournements qu’il opère depuis deux décennies dans les caisses de la Société Nationale des Hydrocarbures, qu’il considère comme sa caisse noire personnelle. Des sources proches des employés de la Banque Mondiale, gestionnaire avec le FMI de l’économie camerounaise, la SNH verse chaque année dans les caisses de l'Etat, que Paul Biya considère comme sa propriété privée, 500 milliards de Fcfa au bas mot.
L’ancien journaliste Célestin Monga, économiste en service à la Banque Mondiale, se demandait en effet récemment : « Où va cet argent ? Qui dispose de la signature sur l'usage des fonds ? Où sont les gourous internationaux qui parlent de "transparence" et mesurent la "bonne gouvernance" ? »
Au moment où nous rédigeons ce papier, nous apprenons qu’à la suite de son audition d’une durée de 10 heures hier à la Police Judiciaire de Yaoundé, l’ancien secrétaire général de la présidence Jean Marie Atangana Mebara sera arrêté et emprisonné pour avoir détourné 3 milliards Fcfa pour l’achat de l’Albatros. Ce dernier est le nom d’un vieil avion dont nous révélions l’existence en scoop le 19/04/2004 par notre article Le Nouvel Avion du président Paul Biya, la Misère des Camerounais .
Sans nullement avancer que, dans un pays aussi appauvri par ses gouvernants comme le Cameroun, un seul parmi de tels délinquants doive mériter un quelconque traitement de faveur, il est tout simplement sidérant de constater que celui qui vole des milliers de milliards de Fcfa se voit entourer d’une immunité constitutionnelle. Pire encore, c’est un tel chef délinquant qui se vêtit de la charge de faire arrêter et emprisonner pour vol et corruption ceux parmi ses petits complices qui ne lui plaisent pas.
Parce que, tout comme Abah Abah Polycarpe (dont le péché est surtout d’être l’arrogant qui omettait d’effectuer les versements substantiels requis dans les œuvres dites charitables de Chantal Biya, d’après nos sources proches du gouvernement) et Olanguena Awana, Atangana Mebara est soupçonné par Paul Biya d’appartenir au fameux G11, un groupe des proches du président qui entendent prendre le pouvoir en 2011, au besoin à l’issue d’un coup d’Etat.
La fameuse opération épervier de Paul Biya n’aurait donc pour objet que de mettre au frais, et surtout d’appauvrir, tous ceux que le vieux président camerounais trouve comme une menace pour son pouvoir.
Tout comme la fameuse enquête sur le faux complot de Guérandi cherchait au départ à exécuter tous ceux qui sont soupçonnés de collaboration (notamment les Toupouri) avec le capitaine en exil au Burkina-Faso, mais qui continue de bénéficier de la loyauté d’un bonne partie des effectifs de l’armée camerounaise, de façon à étouffer toute tentative éventuelle de complot dans l’œuf, les enquêtes de l’opération épervier sont essentiellement à tête chercheuse, visant essentiellement ceux qui prétendent au trône désormais monarchique de Paul Biya. .
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