Décès de Jean Marc Ela: Témoignage du journaliste en exil, Ndzana Seme
www.africanindependent.com,8/12/2008. Une si longue
blessure Quand les
Saints décampent et les diables font le lit, assurément la société se dirige vers l’abîme. Il devient dès lors plus qu’urgent d’invoquer le retour des Saints et de Dieu. Nos Ancêtres le
recommandent, la Bible aussi; puisque la mission même du Christ Jésus était de mener un combat sans merci contre de Diable afin de restorer une société où règne Dieu.
Au moment où ceux qui ont semé le Mal et fait le lit du Diable au Cameroun ainsi que leurs maîtres français ont réussi à détourner l’attention des victimes du système néocolonial qui les
terrorise depuis plus d’un demi siècle pour plutôt la diriger sur un tribalisme créé de toute pièce, Jean-Marc Ela a laissé la marque d’une vie d’anti-tribalisme.
Avec Abel Eyinga et de nombreux autres vaillants patriotes Bulu, y compris ceux qui très tôt en 1985 s’étaient soulevés contre la malédiction qu’ils voyaient déja en Paul Biya, Jean-Marc Ela est
l’un de ces rares camerounais qui ont dit non à la corruption et au tribalisme dont se sert Biya pour asservir quiconque.
Il n’a d’égaux en la matière que Mongo Beti, et surtout son ami le père Engelbert Mveng, qu’il a choisi de rejoindre au cours des fêtes actuelles de cette fin d’année. Comme un lion qui prend son
repos bien mérité, le baobab camerounais laisse à nous et aux générations futures une oeuvre grandiose, qu’il faut savoir utiliser pour créer au Cameroun une société où règne Dieu.
Depuis une quinzaines d’années, je traîne une blessure personnelle, que seul Jean-Marc Ela devait guérir. Je n’ai pas pu rentrer en contact avec lui, peut-être par défaut de tentatives plus
insistantes, certainement à cause de la lourdeur du problème.
Une mi journée de 1995, j’avais pris un taxi à Biyem-asi. Le taxi avait ensuite ramassé un homme de petite corpulence, qui s’était assis à côté de moi. Tout rempli d’émotions de me retrouver
assis si près d’un tel boabab pourtant de petite corpulence, j’avais aussitôt éclaté d’admiration.
J’avais cherché une conversation et son visage s’était d’abord éclairé. Mais lorsque je m’étais présenté comme le directeur de publication du Nouvel Indépendant, le prêtre s’était aussitôt
refroidi, ignorant totalement toutes mes autres tentatives de conversation. J’étais descendu du taxi le premier à la zone des ministères, lui disant aurevoir de la main; et il m’avait rendu le
aurevoir de sa main.
C’est en parlant de cette déconvenue à d’autres personnes que j’appris que Jean-Marc Ela était l’ami intime du père Engelbert Mveng, qui venait d’être assassiné. C’est alors que je sentis en moi
une grande déchirure causée par le remord d’avoir autorisé, durant les mois pécédant l’assassinat du savant prélat, la publication d’une série d’articles qui le présentaient comme un diable.
En effet, quelques mois plus tôt, j’avais recruté au sein de ma rédaction un ancien commissaire de police ayant fait la taule pour escroquerie et crimes divers. C’était le Commissaire X, de son
vrai nom Biloa Ayissi.
Le premier dossier que l’individu m’avait apporté était justement celui sur le père Engelbert Mveng. Biloa présentait alors comme preuve de ses accusations de harcellement par le prélat de
la soeur Akamse, un enrégistrement qu’il disait tenir de sa belle-soeur magistrate. Il me fit écouter les enrégistrements des auditions qu’il disait provenir du tribunal, et eut aussitôt mon
accord de publication de la série d’articles.
Mon entourage familial, ainsi que l’évêque Jean Zoa, firent pression sur moi pour que les articles s’arrêtent. Je suivis leur conseil, mais il était trop tard. Feu Engelbert Mveng m’appela un
jour, pour m’exprimer sa colère.
La réaction de froideur de Jean-Marc Ela me révéla alors que le public considérait, y compris mes proches, que j’avais été utilisé pour salir le nom du savant prélat avant son assassinat. Le
pouvoir Biya devait l’assassiner, mais il fallait que ce soit mon journal qui prépare les consciences à accepter un tel acte barbare.
Il fallait que ce soit mon journal, le même journal qui avait auparavant publié les détails et vivement dénoncé l’assassinat similaire de mon cousin Maître Antoine Ngongo Ottou par les hommes de
Biya. Il fallait me faire porter la responsabilité de la complicité sur l’assassinat du seul savant camerounais.
Le régime Biya y avait réussi, en introduisant dans ma rédaction son chargé de mission, qui exécuta sa mission… sans entrave.
J’avais cherché à contacter Jean-Marc Ela ces quinze dernières années, en vain. Je reste cependant persuadé que lui, tout comme son ami Engelbert Mveng m’accorderont le pardon que je
cherche.