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Publié par Didier Tchuenkam in camer.be

Le Directeur de la publication de l’Ouest Républicain a enfin pris la parole devant le Tpi du centre administratif de Yaoundé. Le représentant du ministère public a paru fort décontenancé. Au grand amusement du public.« Étiez-vous là quand Dieu créa le monde ? » ; « Etes-vous Dieu pour juger de la beauté d’un être humain ? », « Avez-vous une mère ? ». « Avez-vous une femme ? ». « Madame le ministre est-elle belle ou laide ? De quel droit écrivez-vous cela ? »Voilà un aperçu des questions que Awana Hélélé, Procureur de la République (PR), a posées à Michel Mombio au cours de l’audience du 20 juillet dernier.

Provoquant l’hilarité aussi bien de la Présidente Mme Noah, que de l’assistance particulièrement interloquée par les questions frisant le ridicule. On s’attendait en effet que le PR, qui avait chargé l’accusé en septembre 2008 à la première audience, sorte des faits pouvant justifier l’incarcération, et éventuellement la condamnation du journaliste. Au lieu de quoi, on a eu droit à une pièce de théâtre où, sachant son dossier vide, l’homme de loi a cherché à jouer sur les sentiments. Sa stratégie a consisté à présenter le prévenu comme un homme sans cœur, un misogyne qui n’a aucun respect pour la femme, et encore moins pour une ministre de la république. Mais, faut-il le dire, il trouvé à qui parler. Invité à déposer sous serment, Michel Mombio dans un style oratoire qui a captivé toute la salle, avait auparavant récusé toutes les accusations portées contre lui.

Parlant en effet des faits de chantage retenu contre lui par l’accusation sur la base d’une correspondance adressée à Madeleine Tchuinté, il a révélé que cette lettre fut écrite dans un contexte précis. « Madeleine Tchuinté, qui est ma sœur et ma camarade de parti, m’avait invité chez elle à Bafoussam un soir. En présence du journaliste Célestin Lingo, du pharmacien Diesse Mathias et de Charly Tchikanda, défenseur des droits de l’homme, m’avait s’était proposée comme médiatrice dans la conflit qui m’opposait à Lekéné Donfack, alors ministre de la ville.

Ce dernier m’avait en effet accusé injustement de chantage. Déclaré non coupable pour faits non établis, j’avais à mon tour porté plainte contre lui. Nous étions alors en 2006. En vue de préparer sa campagne électorale, Madeleine Tchuinté avait sollicité de Lekéné Donfack, le bitumage d’un tronçon de route à Bayangam. » Le journaliste a ainsi précisé que le Ministre de la Ville avait posé comme condition à l’octroi de cette route, que sa collègue obtienne un « cessez le feu » de L’Ouest Républicain qui le canardait à boulet rouges. « J’ai accepté la médiation de ma sœur, contre le versement de la somme de 16 400 000 F, et d’autres services qu’elle m’avait proposé, dont un recrutement au port de Douala. Elle m’a par la suite proposé de me payer en marchés fictifs, ce que j’ai refusé. Plus tard, elle a refusé de payer au prétexte que le marché de la route en question n’avait pas été signé par Lekéné, lequel entre temps avait quitté le gouvernement. Face à cela, j’ai saisi un huissier pour la sommer ». Il a ajouté que la ministre a laissé entendre qu’elle arrangerait le problème à l’amiable. Mais elle m’a plutôt fait arrêter.

La loi ? Un vœu pieux

Evoquant les faits de tentatives d’escroquerie mis à sa charge, Michel Mombio a dit « qu’il s’agit d’un véritable procès en sorcellerie ». « Je n’ai jamais été entendu par le procureur. J’ai été conduit des locaux de la gendarmerie, à la cellule du parquait, qui est un endroit infect. J’en ai été sorti vers 22 h, et le greffier Abanda, m’a donné un papier à signer. Ce que j’ai fait sans lire, car mon seul souci était de partir de là, même pour aller en enfer. Je ne sais donc pas de quoi on parle. » Quant au dernier motif qui parle d’outrage à corps constitué, l’accusé a précisé qu’il s’agit « des propos rapportés ». « Ne confondons rien. Ce n’est pas moi qui parle, mais des gens à qui nous avons donné la parole, en vertu de la liberté d’expression. Laquelle est garantie dans notre pays, au plan législatif par la Constitution, au plan politique par le président Biya qui, au congrès du Rdpc de Bamenda en 1985, avait déclaré qu’aucun camerounais ne doit plus s’exiler pour s’exprimer ; enfin au plan international par la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen. Il n’est donc pas question pour nous de déifier qui que ce soit, même pas  le président. » A notamment dit le journaliste, qui a refusé de livrer ses sources.

Il a en outre indiqué que, conformément à la déontologie journalistique qui commande de recouper les informations avant publication, Madeleine Tchuinté, sept mois avant, a été saisie d’un protocole d’interview pour s’expliquer sur les accusations qui étaient portées contre elle et relayées dans l’article. « Elle a refusé d’y répondre, me faisant dire qu’elle répondra par la loi du Talion. » Le moins que l’on puisse dire, est que l’accusé a fortement embarrassé son contempteur. De sorte que l’assistance a souri lorsque Awana Hélélé a dit « Madame le Président, Monsieur Mombio est énervé. Je sollicite un renvoi pour qu’il se calme ».

Une pirouette pour sauver la face.Comme si elle n’attendait que cela, la juge a renvoyé la cause au 17 aout 2009, soit un mois plus tard, en violation du Code de Procédure Pénale. Madame Noah, dans ce procès singulier, répondant à un avocat de la défense qui protestait contre ces renvois abusifs, avait déjà soutenu que : « Toute loi qui n’est pas accompagnée de sanction, est un vœu pieux. » Rappelons que le journaliste est incarcéré depuis le 12 septembre 2008, à quelques 350 Km de chez lui.

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