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Publié par Titus Edzoa

menottes.jpgMonsieur le Président,Il est fort possible, même si je n’ose y croire, que ma lettre, tel un alizé tumultueux et capricieux, vienne de quelque manière ébranler, ou tout au moins perturber la quiétude des flots aux doux embruns de votre «démocratie apaisée», ambition pour laquelle vous avez tant œuvré depuis 29 ans. Si c’en était le cas, ce serait bien dommage, car telle n’est pas mon intention. Mais d’un autre côté qu’on ne se méprenne point ! Ce n’est pas non plus une naïve, langoureuse et monocorde mélopée, ni un triste refrain d’un prétendu coupable misere, de la part d’une supposée victime, à la recherche désespérée d’une compassion condescendante… Pour toutes ces raisons, j’impose à ma plume autant de respect que de douceur, honorant ainsi ma propre dignité de beaucoup de pudeur, et l’affligeant en même temps d’une stricte circonspection…

Monsieur le Président,

Tenez ! Seulement deux jours après ma démission de votre Gouvernement et ma constitution en candidat à l’élection présidentielle de 1997, une horde sauvage et déchaînée de vos cognes aux gros bras prêts à casser de la castagne, alliée à une justice aux allants de basoche, a fondu avec une rare férocité sur le citoyen honnête et ordinaire que je suis. Et depuis, inlassablement, les uns comme les autres, n’ont cessé de me faire subir une terrifiante torture, avec hargne, haine et grossièreté, sous votre regard passif et atone, mais ô combien scintillant de complaisance : embastillement dans des conditions inqualifiables, harcèlement et acharnement permanents, destruction et confiscation de mes biens, intimidations et tracasseries judiciaires et policières, subtiles et ostentatoires menaces de mort, et que sais-je encore… Ah ! Que ne m’aurait-il pas valu d’être un Albert Dreyfus ou un Jules Durand tout court ? Allusion prétentieuse, n’est-ce pas ? Et pourtant je n’en demandais pas tant !

Monsieur,

Eh bien, souffrez un petit instant que je me pince avec un peu de violence, après tant d’années de silence d’une lâche captivité, pour dénoncer avec véhémence, à haute et intelligible voix, prenant solennellement à témoin la nation camerounaise tout entière, l’opinion internationale, et tous ceux qui de par le monde sont sensibles à la défense des droits humains, et crier à votre intention : «14 ans de torture, Monsieur, ça suffit ! »
J’ai été honteusement réifié en un vulgaire otage de votre vitrine politique. Ma liberté m’a été confisquée sans raison. Que votre raison veuille bien me la restituer ! L’image désormais blafarde et tant écornée du Cameroun en bénéficierait à coup sûr en rayonnement, de l’intérieur comme à l’extérieur…

A la fin, que sont-elles devenues mes convictions et mes opinions politiques, artifices qui m’ont gratifié de cette lourde infortune en 1997 ? Eh bien, elles n’ont pas changé d’une virgule ; bien au contraire, par mon combat silencieux, mais pas pour autant moins téméraire, elles se sont raffermies, densifiées, voire pétrifiées, toujours à la recherche d’un idéal partagé pour l’émancipation et l’épanouissement d’un peuple qui le mérite bien…

Je vous prie, Monsieur le Président, d’agréer l’expression de ma très haute considération, et de bien vouloir accepter la sincérité de mes vœux de paix et de santé, à l’occasion de votre anniversaire…

© Correspondance : Titus Edzoa
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