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Publié par Christian TCHAPMI, Le Messager

Imageanniverssaire-modifi-.jpgHôpital Central et Cie : des pénitenciers pour femmes
Céline Fouda Evoumou, aujourd’hui assistante de direction dans un cabinet d’avocat à Mbalmayo, est presque en larmes lorsqu’elle raconte l’histoire qu’elle a vécue il y a six mois à l’hôpital Central de Yaoundé. Des fois, confie-t-elle, « cela me donne envie de ne plus jamais procréer de ma vie ». La mine patibulaire, elle donne toujours l’impression de quelqu’un d’abattu, de désespéré. Ce qui n’est pas sans raison, car Céline porte en elle le deuil de ses jumeaux décédés après un accouchement par césarienne au mois de novembre dernier. Elle s’en rappelle comme si c’était hier. Trois jours après ce tragique incident, « les responsables de l’hôpital me réclamait tous frais confondus une somme de 253 000 F Cfa. Ils m’ont fait savoir que cette somme représente le coût de l’opération et des soins subséquents », raconte-elle. Mais faute de moyens, Céline n’a pas pu payer cette somme astronomique et a été contrainte d’être gardée à ce qu’elle appelle elle même « prison de l’hôpital Central de Yaoundé ». C’est que la jeune fille âgée de 23 ans a été doublement peinée par le décès de ses garçons et par sa condition de « détenue ». Malgré les supplications et les multiples tentatives d’arrangements engagées par la famille de l’adolescente auprès des responsables de cet établissement hospitalier, « ils m’ont dit que si je ne paye pas, je ne sors pas. J’ai passé deux bons mois à squatter les couloirs de l’hôpital. Avec pour unique compagne l’ennui, je n’avais de visites que celles de ma sœur cadette, elle-même démunie. Mes parents décédés, et le géniteur de mes enfants ayant pris la poudre d’escampette à l’annonce de la nouvelle, j’étais comme seule au monde », se souvient Céline. C’est finalement une dame de bonne volonté qui ayant appris via un communiqué radio, a décidé de payer toute la somme qui était exigée, pour que Céline puisse enfin être libérée.

L’histoire de cette jeune fille n’est pas un cas isolé car on ne les compte plus ces femmes qui sont détenues dans les hôpitaux de la capitale politique, faute de moyens pour régler les frais d’accouchements. A l’hôpital Gynéco obstétrique et pédiatrique de Ngousso comme à l’hôpital Général, c’est la même rengaine. « Pas d’argent, pas de liberté » semble être la formule consacrée dans ces lieux de soins. La peine, pour douloureuse qu’elle soit, peut parfois durer des semaines, des mois et même des années.  Condamné à un régime drastique et à une surveillance à la semelle, ces femmes sont presque abandonnées à elles mêmes. Les infirmiers (geôliers) chargés d’assurer la surveillance se refusent à tout commentaire, et disent n’appliquer que les hautes instructions qui leur a été données par le haute hiérarchie. « Le fait de les voir assises au même endroit tous les jours nous fait compatir certes, mais il faut bien que l’hôpital fonctionne. Au lieu de vous en prendre à nous, posez-vous la question de savoir où se trouvent les services sociaux », justifie-t-on.

2 – Intervention à mi teinte des services sociaux

Dans l’organigramme de la plupart de ces établissements hospitaliers à caractère public, lorsque le patient arrive, on lui ouvre un dossier. « Si le cas est urgent, il bénéficie d’un pack d’urgence (matériel et médicaments prêts pour une chirurgie (Ndlr) en deuxième intention », explique un ex membre du service social de l’hôpital de district de Biyem-Assi. Mais dans nombre d’hôpitaux, il n’y a pas de pack aux urgences et c’est à la famille de la malade de s’en charger. Malheureusement, plusieurs femmes enceintes à leur arrivée dans ces structures sanitaires se plaignent des attitudes peu avenantes des infirmiers et des lenteurs.  En plus du premier contact du patient avec l’hôpital qui ne se passe pas toujours dans de bonnes conditions, ces « détenues » doivent subir les affres d’un internement  forcé. Les services sociaux étant généralement lents à réagir, ces femmes vivent un véritable chemin de croix. Abandonnées des leurs et coupée de tout. Une situation qui n’est pas pour plaire à certaines associations de défenses de dignité des patients. On a encore en mémoire la correspondance adressée au Premier ministre, chef du gouvernement, par l’association « Action pour l’humanisation des Hôpitaux». Cette dernière décriant les manquements dans nos hôpitaux révélait que les malades ne sont pas informés du contenu des codes, donc de tout ce qui leur est administré, parfois même pas de la durée du traitement. Un personnel peut alors ajouter ou retrancher un élément du Code, sans courir le risque d’être dénoncé. Toutes choses qui justifient l’étonnement des patientes qui n’en reviennent pas au moment où la facture des frais d’hospitalisation leur est brandie.

Certaines indiscrétions révèlent même que c’est à dessein que les services sociaux, de mèche avec les responsables des hôpitaux tardent à réagir dans les cas où la somme qui est exigée à la patiente est élevée. « Cela laisse le temps à la patiente de se battre pour trouver de l’argent et retrouver sa liberté », explique une source à l’hôpital Central de Yaoundé. Face à cette maltraitance, certains organismes de défense des droits de l’Homme estiment qu’il est temps pour le gouvernement d’enclencher et accélérer la mise en place d’une assurance-maladie pour améliorer la santé de ces victimes, réduire les inégalités et répondre promptement aux attentes des populations en matière de santé publique. Une action louable certes, mais qui devra encore attendre des lustres, au regard de l’avancée du phénomène qui étend déjà ses tentacules dans les cliniques et autres centres de santé de la capitale.

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