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Publié par Robert Ngono Ebode, Le Messager

Dans la nuit de mercredi à jeudi de la semaine dernière, Bibi Ngota, un journaliste en détention préventive est mort à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé. Il y a été placé par la Justice camerounaise « aux ordres » suite au différend qu’il a eu avec le secrétaire général de la présidence de la République, Laurent Esso. C’était suite à une enquête engagée ce dernier et relative à un document qui mettait en cause l’actuel ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République.

Ses compères de fortune, Robert Mintya, Serges Sabouang et Hervé Nko’o (Ce dernier est actuellement en fuite) font l’objet d’une incarcération suite à la même affaire. Selon certaines informations liées à ce décès, il serait question d’un problème lié à un manque de soins. On parlerait alors d’une certaine négligence et d’abandon de personne en danger. Ce cas de décès dans nos prisons vient s’ajouter à d’autres qui se sont produits dans les mêmes lieux d’incarcération, sans que le gouvernement ne daigne s’expliquer, encore moins demander des excuses publiques. Au contraire. Certains de ses ministres, à l’instar de celui de la communication, Issa Tchiroma Bakary, pour qui la vie humaine semble ne pas signifier grand-chose, se livrent à des justifications qui frisent le ridicule. Des concitoyens meurent sans que cela émeuve ceux qui sont censés assurer leur protection et leur bien-être. C’est tout simplement pathétique. Hier, c’étaient Angoula Dieudonné, Boto’o à Ngon, et tous les autres. Aujourd’hui encore, beaucoup d’autres sont menacés dans les prisons et sont privés de soins. Tout simplement parfois parce que les autorités pénitentiaires ne jugent pas de l’opportunité de s’occuper de leurs conditions, ou alors parce que les structures et les infrastructures adéquates ne sont pas disponibles. Et ceci constitue une grave atteinte aux droits de l’Homme.

Et pourtant, les normes internationales relatives aux droits de l’Homme à l’usage des agents pénitentiaires des Nations-Unies, ratifiées par le Cameroun, prévoient que « toute personne privée de liberté est traitée en tout temps avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il n’y a aucune dérogation ». Et le même document de poursuivre en disant que « l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture ». Le texte donne plusieurs directives par rapport à la santé du prévenu ou du détenu. « Tout détenu doit se voir offrir un examen médical approprié dans un délai bref que possible après son admission ». Dans ce chapitre, le texte des Nations-Unies stipule que « le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible est un droit de l’homme. Le fait que détenu doit passer une visite médicale dans un délai aussi bref que possible après son entrée dans le lieu de détention ou d’emprisonnement est un principe fondamental. Tout traitement médical    nécessaire doit alors être gratuit. Les détenus devraient en règle générale avoir le droit de demander une deuxième opinion médicale. Les détenus devraient avoir librement accès aux services de santé existant dans le pays. Les décisions concernant la santé d’un détenu ne devraient être prises  que pour des raisons médicales par des personnes ayant des compétences médicales ». Dans ce registre, peut-on penser que les médecins et autres personnels de la santé affectés dans les hôpitaux ont démissionné des tâches à eux dévolues ?

Complicité à tous les niveaux

Le texte des Nations-Unies leur confère des attributions spécifiques. « Le médecin a l’importante responsabilité de veiller à ce que les normes sanitaires appropriées soient respectées. Il peut le faire en procédant à des inspections régulières et en donnant son avis au directeur de la prison sur le caractère satisfaisant ou non des aliments, de l’eau, de l’hygiène, de la propreté, de l’assainissement… Le personnel médical est tenu de dispenser aux personnes détenues des soins médicaux d’une qualité égale à celle dont bénéficient les personnes qui ne le sont pas. La responsabilité principale des membres du personnel de santé est de protéger la santé de tous les détenus. » Combien de personnes meurent des suites de négligence du personnel médical ou alors du refus des responsables pénitentiaires  de se pencher sur le sort d’un détenu ? La conséquence logique est que ces gens, appartenant à un système où presque tous les droits sont bafoués, n’ont rien à craindre. Du moment où certains arrivent dans ces milieux sur la base de la complaisance d’une Justice aux ordres, ils ne peuvent être poursuivis pour ces abus commis. « Les droits de l’Homme et les prisons », un texte adopté par les Nations-Unies en 2005 prévoit pourtant que « Toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture a le droit de porter plainte devant les autorités compétentes qui procéderont immédiatement et impartialement à l’examen de sa cause ». Et ces tortures sont physiques, morales, psychiques et autres. Les cas de Lapiro, Thierry Atangana et bien d’autres sont assez édifiants. Le Cameroun dispose t-il des moyens et ressources nécessaires pour la réparation de tous ces préjudices causés aux tiers et à la société en général ? Il est temps que la Justice fasse son travail et sorte le pays de la torpeur dans laquelle il se trouve. Les journalistes et autres meurent dans les prisons pendant qu’on affecte des milliards à des gourous de la communication comme Patricia Balme. D’autres, comme Me Vergès, se voit attribuer des dossiers dans le cadre de l’Opération Epervier à coup de milliards, pour quels résultats ? Et cet argent, c’est le contribuable qui en paie la note, alors qu’il s’appauvrit tous les jours, sans un espoir que la situation changerait du jour au lendemain, ses droits les plus élémentaires étant violés au quotidien sans que l’autorité en charge puisse s’y pencher. Et dire que le Cameroun est un pays de droit…

Focal: L’urgence d’une action s’impose

Il y a moins de deux mois, un responsable d’une association de droit de l’Homme a été saisi par une famille sur les violations faites sur son fils à Bafia. Ce dernier était détenu arbitrairement pendant plus de quatre mois parce qu’il a eu l’audace de flirter avec une fille qu’un juge d’instruction convoitait aussi. Après avoir été molesté par ce juge, il a été placé en détention préventive à la prison, sans soins alors que son état de santé se dégradait considérablement. Lorsque le responsable de l’association s’est engagé pour un plaidoyer, il s’est vu couvert d’injures par le procureur de la République qui lui demandait s’il sait combien d’années d’études il faut pour devenir magistrat. Et de lui dire comme pour conclure, que si c’était à lui qu’il avait affaire, il l’aurait bien molesté, puis l’auraitenfermé. Comme pour dire que cela t’apprendra à mettre ton nez dans les affaires des magistrats. Le président de la République face aux étudiants de l’ENAM, a déclaré que « la Justice- les jeunes auditeurs de la Justice doivent en avoir pleinement conscience- est la plus haute instance de régulation sociale et la poutre maîtresse de la démocratie dans un Etat de droit. Rendre justice est une noble mission mais aussi une lourde responsabilité. Ici, c’est l’éthique et la déontologie qui doivent servir de guides. Et la République qui confie au magistrat le soin de veiller au respect des lois ne peut tolérer les défaillances ». Assez surprenant pour se demander ce qui peut justifier le mutisme actuel du gouvernement face à autant d’injustice,s et pourquoi cette défaillance est tolérée. Les droits élémentaires des citoyens sont violés sans que cela n’émeuve aucun gouvernant. Les évasions s’effectuent dans les prisons. Certains sont rattrapés par des balles, meurent sans qu’aucune commission d’enquêtes ne siège pour un rapport. Les multiples cas de décès dans les prisons ne suscitent le moindre émoi et aucune autopsie n’est faite, ou lorsqu’elle est faite, les résultats restent secrets. Ce sont quand même des concitoyens qui meurent. Même s’ils ont commis des fautes qui les ont conduits en prison, ils ont droit à la vie et ce droit est inaliénable. La Justice populaire gagne du terrain parce que les populations ne croient plus à la justice. Les voleurs, malfrats et autres sont relâchés pendant que les innocents croupissent dans les prisons sous l’œil indifférent et parfois complice de certaines autorités.  Les arrestations arbitraires pour assouvir des vengeances, l’injustice et les manipulations qui entourent plusieurs procès, le silence autour de plusieurs cas de décès tels qu’à Nsam, les neuf de Bépanda, les déraillements des trains, les crashs d’avions, les incendies de marchés, et bien d’autres encore, la coupe est amère. Les responsables de la Justice, notamment Amadou Ali, doit tirer les conclusions et déposer le tablier. Ailleurs, c’est ce qui se fait. La Justice a montré ses limites et est incapable à l’état actuel des choses, à jouer le rôle de régulation sociale et de poutre maîtresse de la démocratie. Le gouvernement étant solidaire des actions de ses membres, c’est tout le gouvernement qui doit démissionner. A défaut, il appartient au premier magistrat de faire revenir l’ordre dans la maison. Le Cameroun en a vraiment besoin. D’où l’urgence d’une action citoyenne.

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