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Publié par Jean Marc Soboth

soboth2Une enquête judiciaire ordonnée par le chef de l'Etat dans l'affaire Bibi Ngota? Marrant, très marrant! On se demande bien comment une telle perspective va être implémentée dans la pratique. Quel rôle en l’occurrence pour Laurent Esso, magistrat hors hiérarchie, secrétaire général de la présidence de la République, et… mis en cause? Le secrétaire général du Palais est considéré dans la tradition administrative française comme « le président de la République en pointillés »; un doux euphémisme qui veut dire qu'il est le vrai chef de l'Etat du quotidien, du moins tant qu'il est en poste et qu’il conserve la confiance de son ami Paul Biya. Il est le factotum de la haute République. Il est aussi (excusez du peu !) le grand Manitou de la Magistrature dont les dossiers sont préparés sous sa responsabilité hiérarchique ; « il en abrite » annuellement le redoutable Conseil supérieur au Palais de l'Unité.

 

En clair, c'est donc Laurent Esso et nul autre qui, hiérarchiquement, est le vrai initiateur de l'enquête sur une affaire macabre dont il est le principal accusé ; il sera en même temps, de nouveau, le donneur d'instructions à la machine judiciaire à travers le vice-Premier ministre, ministre de la Justice, garde des sceaux, Amadou Ali, qui est son bras séculier, lui obéissant au doigt et à la lettre...

 

C'est pour faire plaisir à ce magistrat au machiavélisme avéré et connu qu'une procédure judiciaire cavalière - allant du vulgaire kidnapping pour séances de torture à l'incarcération pour crime de protocole d'interview jusqu’à la mort par privations - a été infligée aux journalistes dès février 2010. Parce que c'est lui qui fait toute l'administration/politique du chef de l'Etat et qu'il ne va surtout pas être remercié pour si minable décès, c'est lui, encore lui, qui supervisera jusqu'à la composition de la commission d'enquête (Zéro mort ?) tant applaudie dans cette « affaire grave » (dixit la mère du decujus) ou, par la grâce de la nature, il deviendra: plaignant, juge, partie, tiers-partie, enquêteur-superviseur, arbitre, cadreur, réalisateur et responsable du plateau...

 

Pas d’inquiétude en tout état de cause ! Laurent Esso, « homme de grande probité » et connaisseur de la Magistrature, choisira avec Amadou Ali les hommes qu’il faut, des magistrats au dessus de tout soupçon pour la commission d’enquête!

 

Mais, in fine. Tout va dépendre de lui: c'est à Laurent Esso, magistrat impartial, qu’on viendra remettre les conclusions de l'enquête, pince sans rire... C'est Laurent Esso, hiérarque du Palais/plaignant, qui va ensuite en instruire l'exploitation et proposer des orientations au chef de l'Etat et à la Chancellerie. En somme, une procédure incroyablement "indépendante", à la sauce Gombo en tout cas!

 

Et à l’instar d’une immense marmaille festoyant à Disneyland, le public camerounais exulte bruyamment face à tant de magnanimité du chef de l’État, magnifiant comme les joyeux thuriféraires du Mobutisme décadent ce qui est, en fait, une escroquerie sans précédent...

 

On peut aisément deviner la suite du scénario. Soit on va sacrifier provisoirement quelque lampiste (dans l'administration judiciaire et/ou pénitentiaire), soit on va passer illico presto à autre chose. Juste un changement de décor. Un casting de rupture ! Possiblement avec l'une de ces vastes diversions médiatiques de l'envergure de « la reprise de l'Opération Epervier parce que le chef de l'Etat est très fâché » (sic), grossier remake de Janvier 2008 après le hold-up sur la Constitution de 1996 pour faire sauter le verrou de la limitation des mandats à la magistrature suprême après 26 années de règne sans partage de la même tribu du ventre, coincée par sa propre création : le double septennat qu’elle avait cru sans fin...

 

Il y a de quoi rigoler avec tristesse et se remémorer, pour se consoler, l'ancien Premier Ministre Sadou Hayatou qui, dans une interview au panafricain Jeune Afrique, déclara sentencieusement qu'une commission d'enquête au Cameroun a uniquement pour but de noyer le poisson.

 

Et dire que beaucoup y croient!

 

Mais on ne perd rien à attendre: I have the dream qu’un jour les petits gérontocrates de Yaoundé, alors rassasiés et fatigués d’un pouvoir temporel qui prendra brutalement fin bientôt, viendront ensuite enrichir les annales de l’histoire des institutions et des faits sociaux ainsi que la science politique contemporaines. Suppliant, ce jour-là (désormais proche !), un peu de compassion, de pitié et d’humilité de leurs compatriotes et d’une nouvelle classe de dirigeants dans la même cité-aux-sept-collines, ils expliqueront urbi et orbi, oublieux, persécutés par la maladie comme Bibi Ngota, comment il est possible de perdre toute humanité face à des frères sans défense, et, surtout, comment il est pensable de se refuser à toute prévision à court terme à l’aune d’un système au crépuscule de son propre cycle. I have the dream que ce jour-là, Jacques Fame Ndongo viendra enfin, ex-professo, fournir publiquement l’idoine exégèse du quand, comment et en quoi des citoyens d’une Nation peuvent être relégués au rang de créatures et d’esclaves sans droit d’un chef d’État et de ses collaborateurs…

 

Car les masses populaires aveuglées et abruties aujourd’hui par tant de folklore et par la pauvreté auront recouvré la vue, et changé de camp !

 

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