Un journaliste camerounais détenu par les militaires
07.03.2008
Média : Jacques Blaise Mvié détenu à la Sémil
Moins de 24h après sa réapparition, le Dp de la Nouvelle Presse a été arrêté hier par des éléments de la sécurité
militaire.(Mutations)
Hier en mi-journée, alors que nous interviewons le directeur de publication de la Nouvelle Presse, Jacques Blaise Mvié, pour savoir où il
était passé depuis lundi dernier (lire Mutations n° 2106 du mercredi 5 mars 2008), il reçoit un coup de fil. Son interlocuteur, un certain Alex, souhaite qu’il passe au ministère de la Justice
pour récupérer une copie de la déclaration faite par le ministre de la Justice hier matin et portant sur les procès en cours des personnes arrêtées à la suite des émeutes ayant secoué la semaine
dernière les principales villes du Cameroun.
Il commet deux de ses collaborateurs pour effectuer la course. Moins d’une demi-heure plus tard, l’un d’eux appelle pour signifier que l’autre a été enlevé au niveau du ministère de la Justice
par des personnes à bord d’une Nissan de couleur bordeaux.
Jacques Blaise Mvié essaye de rappeler le fameux Alex et se rend compte de ce que le numéro utilisé par ce dernier est celui d’un call-box. François Omgba, le collaborateur enlevé, toujours en
possession de son téléphone portable, indique à son patron que ses ravisseurs et lui se dirigent vers Biyem-assi au domicile de M. Mvié parce qu’ils souhaitent lui remettre à mains propres la
déclaration du vice-Premier ministre, ministre de la Justice, Amadou Ali.
Alors qu’il s’emploie au téléphone à joindre quelques personnes pour organiser sa retraite parce que se sentant traqué, Jacques Blaise Mvié est accosté au balcon d’une gargote où nous nous
trouvons non loin du lieu dit Efoulan Pont à Yaoundé par quatre individus en civil qui lui intime l’ordre de les suivre. Il n’oppose aucune résistance et nous lance juste, "gars je m’en vais". Un
de ces inconnus qui croit reconnaître l’auteur de ces lignes lui adresse un bonjour avec un large sourire en disant, "on vous l’emprunte juste pour une minute".
Coup d’état
Rendus à l’extérieur pour mieux appréhender la situation, nous apercevons le Dp de la Nouvelle Presse embarqué dans la Nissan bordeaux susmentionnée et
immatriculée CE 5828 O. Il est coincé sur la banquette arrière entre deux personnes, tandis qu’une autre prend place aux côtés du chauffeur. D’autres personnes en civil rejoignent au pas de
course une Toyota Starlet blanche garée de l’autre côté de la route. Parmi ces personnes là, nous reconnaissons un sous-officier de la gendarmerie, ancien champion du Cameroun des 100m, qui est
en service à la sécurité militaire. Il est 13h55 quand les deux voitures s’ébranlent en direction du carrefour Obobogo.
Contacté au téléphone moins d’une heure après, le lieutenant-colonel Gédéon Youssa, chef de la division de la sécurité militaire au ministère de la Défense, nous a confirmés qu’il détenait
Jacques-Blaise Mvié. "Nous l’avons bel et bien arrêté cette fois pas enlevé comme vous l’avez écrit dans votre journal. Vous pouvez venir l’interroger dans une heure ici pour qu’il vous dise qui
l’a enlevé", nous a-t-il répondu au téléphone en toute courtoisie.
Il va réitérer à Mohamed Keita, du Comitee To Protect Journalists (Cpj), une organisation de protection de journalistes basée aux Etats-Unis, que la Sémil n’a rien à voir avec ce qui a été
présenté depuis le début de la semaine comme un enlèvement du Dp de La Nouvelle Presse. Le lieutenant colonel Youssa soutient que l’arrestation de notre confrère découle justement de ce qu’il a
fait courir de fausses informations sur son enlèvement lundi par la Sémil.
En effet lundi dernier, suite à la parution du n° 333 de La Nouvelle Presse, le directeur de publication de cet hebdomadaire basé à Yaoundé avait été enlevé non loin de chez lui vers 11h, selon
ses collaborateurs (lire l’interview de Jacques Blaise Mvié réalisée hier avant son arrestation). Ces derniers soutenaient que leur patron avait été victime d’un rapt par des hommes en civil à
bord d’une Prado grise avec une plaque minéralogique des forces armées nationales. Ils avaient pointé un doigt accusateur sur la sécurité militaire qu’ils disaient agir au nom du ministre de la
Défense, Rémy Zé Meka, présenté par La Nouvelle Presse comme "le vrai commanditaire de la tentative de coup d’état", dont la presse s’était fait l’écho en fin d’année dernière.
Junior Binyam