Le patron de la Snh accusé de faux et de détournement
Alexandre T. Djimeli Le messager 28/05/2008.“ détournements, abus de
biens sociaux, tromperie envers associés, escroquerie, présentation de faux bilans, intérêt dans un acte, faux et usage de faux, abus de pouvoir et complicité. ”
Adolphe Moudiki accusé de détournement
Gillot et Laugier, actionnaires dans Chanas et Privat, disent avoir été spoliés de 16 milliards de Fcfa. A cause des entourloupettes de Mme Casalegno, rendues possibles grâce à la Snh et son DG Adolphe Moudiki.
“ Détournements… et recel ”
Le cabinet d’avocats Abdoul Aziz, agissant pour le compte de Denis Gillot et Louis Laugier, a saisi le tribunal de grande instance de Douala le 10 mars 2008, aux fins de porter plainte et dénoncer Mme Jacqueline Casalegno (directrice générale de Chanas, la plus grande société d’assurance du Cameroun avec plus de 17 milliards de Fcfa de chiffre d’affaires en 2007), Adolphe Moudiki, (administrateur directeur général de la Société nationale des hydrocarbures), Antoine Bikoro (actuel directeur général du Chantier naval et industriel du Cameroun et ancien directeur financier de la Snh) et autres. Ils sont accusés de “ détournements, abus de biens sociaux, tromperie envers associés, escroquerie, présentation de faux bilans, intérêt dans un acte, faux et usage de faux, abus de pouvoir et complicité. ”
Cette plainte arrive après une autre faite avec constitution de partie civile le 20 mars 2007 et déposée au tribunal de grande instance de Paris. Celle-là demandait que le tribunal appelle les personnes sus indiquées “ devant la juridiction de jugement pour répondre des faits de recel avec circonstances aggravantes. ” Le recel, tel que le définit le Code pénal français, est “ le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’un intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou délit. ”
Les plaintes, telles qu’elles sont constituées, relèvent deux questions saillantes : d’une part le conflit entre les ex-associés de Chanas et Privat et d’autre part l’entrée de la Société nationale des hydrocarbures (Snh) avec des fonds publics dans le capital de Chanas Assurance, une société privée. Ayant eu accès au dossier, Le Messager a pu joindre les responsables de la Snh pour donner leur version des faits sur ce qui leur est reproché. Malgré les efforts déployés, Mme Jacqueline Casalegno, actuelle directrice générale de Chanas Assurance, n’a pas été disponible pour répondre à nos préoccupations. Sous réserve de l’éclairage qu’elle pourrait éventuellement apporter, nous publions l’article.
Les personnalités impliquées (Moudiki, Bikoro, Casalegno d’une part ; Denis Gillot et Louis Laugier d’autre part) autant que les faits présentés sont d’une gravité telle que Le Messager a l’obligation de tenir l’opinion au courant. Au-delà du problème entre les associés, c’est la participation d’une société publique dans une société privée qui semble davantage tirer ce sujet dans l’actualité. Tentative de décryptage.
Gillot et Laugier acquièrent 9000 parts sur 10.000
On est en 1989. Madame Jacqueline Casalegno, titulaire de 9.787 parts sur les 10.000 que compte la société Chanas et Privat, cède 5.000 parts à Denis Gillot et Louis Laugier, dont 2.500 parts pour chacun. Elle perçoit en contrepartie 100 millions de Fcfa. Ayant donc vendu ces parts, le capital social de la société est désormais réparti de la manière suivante : Mme Casalegno (4.787 parts), Denis Gillot (2.500 parts), Louis Laugier (2.500 parts), la société Socar (167 parts) et la succession Ferdinad Privat (46 parts).
Le 22 juin 1992, Mme Casalegno vend à nouveau 2.000 parts aux mêmes acquéreurs, dont 1.000 parts pour chacun, et reçoit 40 millions de Fcfa. Le 23 février 1993, Madame vend encore 2.000 parts pour 40 millions de Fcfa à MM Gillot et Laugier. A ce moment, elle n’est plus titulaire que 787 parts. Désormais, les deux acquéreurs détiennent 9.000 parts. Au-delà de l’achat des actions, ils achètent définitivement le portefeuille de Chanas et Privat à concurrence de 3 milliards 277 millions 500 mille Fcfa. Selon MM Gillot et Laugier, Mme Casalegno a fait croire qu’elle vend la société pour partir du Cameroun. Le paiement est effectué en France et Mme Casalegno ne déclare que 200 millions de Fcfa au fisc camerounais.
Le montant de la transaction est calculé sur la base du chiffre d’affaires moyen de l’entreprise sur les trois dernières années, multiplié par 1,5. Soit un milliard 716 millions de Fcfa. Mais MM Gillot et Laugier constatent que l’opération s’est effectuée sur la base de faux chiffres émis par Mme Casalegno. Selon eux, le chiffre d’affaires moyen était plutôt de 995 millions 97 mille 641 Fcfa. Ils concluent que Mme Casalegno a indûment perçu 292 millions 287 mille Fcfa. Qui plus est, révèlent-ils, madame a caché aux plaignants un passif fiscal de plus de 230 millions de Fcfa. Le préjudice à MM Gillot et Laugier s’élève ainsi à environ 529 millions de Fcfa.
[b Casalegno “ reprend] ” Chanas et Privat
Voyant l’affaire lui échapper, Mme Casalegno entreprend de se réapproprier la société dont elle avait pourtant cédé la presque totalité de ses parts représentant 97,87% du capital. Denis Gillot est ainsi révoqué de ses fonctions de co-gérant après une assemblée générale. Il lui est reproché – avec Laugier – des détournements de fonds et des malversations financières. Le cabinet comptable Ernst et Young est désigné pour auditer leur gestion. Effectivement mené, l’audit, non contradictoire, établit un détournement d’un milliard de Fcfa. Suite à une ordonnance du juge des requêtes, les parts sociales de MM Gillot et Laugier sont mises sous séquestre. Elles sont confiées à Me Dooh Collins, notaire, désignée administrateur séquestre.
Mme Casalegno prétend désormais être propriétaire de la majorité des parts, et créancières de MM Gillot et Laugier de 500 millions de Fcfa. Par une résolution de l’assemblée générale du 05 février 1994, les associés convoqués par madame procèdent à une compensation de leur “ prétendue ” créance par le reversement des parts de M. Gillot et Laugier dans le capital social. Ils ne disposent pourtant pas d’un titre exécutoire et encore moins d’un acte de reconnaissance de dette.
Le capital social subit alors des modifications : il passe de 200 à 60 millions de Fcfa, puis à nouveau à 200 millions, avant d’être porté à 300 millions de Fcfa. Mme Casalegno sollicite du tribunal de grande instance de Douala la validation de la saisie-arrêt des parts sociales de ceux avec qui elle est désormais en conflit. Mais le 16 octobre 1998, le tribunal déclare non valable la saisie pratiquée et en ordonne la mainlevée.
Une procédure pénale est engagée contre Mme Casalegno, entre autres, pour tromperie envers associés, rétention sans droit de la chose d’autrui, abus de pouvoir, déclarations mensongères, etc. Les plaignants lui font le reproche de percevoir de façon irrégulière des dividendes, d’utiliser à des fins personnelles les biens de la société, … et surtout d’utiliser l’argent de l’entreprise pour asseoir une organisation de trafic d’influence dans l’administration afin de se maintenir à la tête de la société. Une autre procédure est enclenchée par-devant le procureur près les tribunaux de première et grande instance de Yaoundé auprès duquel une plainte est déposée avec constitution civile le 02 octobre 2000.
Mais les choses ne sont pas faciles, puisque Chanas et Privat, société à responsabilité limitée spécialisée dans le courtage d’assurance, s’est transformée en Chanas Assurance, société anonyme, un an plus tôt.
La Snh rentre dans Chanas Assurance
La nouvelle société ainsi constituée n’a pas tenu compte de tous les problèmes non encore résolus inhérents à la gestion de Chanas et Privat. Selon MM Gillot et Laugier, le capital de Chanas Assurance est détenu à 65% par la Société nationale des hydrocarbures (Snh), établissement à capitaux publics spécialisé dans l’exploration, l’exploitation et la commercialisation du pétrole brut camerounais.
Selon l’expédition notariée n°1910 du répertoire de Me Marceline Enganalim du 19 avril 1999 portant procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire à l’issue de laquelle la transformation s’est opérée, la Snh a acquis des actions pour elle-même. Elle a en outre acheté en portage d’autres actions dont une partie pour des privés camerounais et une autre pour des assureurs et réassureurs. Le capital de Chanas Assurance, formé de 23.000 actions, aurait été souscrit selon la répartition suivante : Snh pour son compte propre (20%), Snh pour le compte de privés camerounais (20%), Snh pour le compte de réassureurs (25%), Casalegno et autres (35%). Une couverture dorée pour Mme Casalegno qui aura, grâce à ses complices, croient savoir ses associés désormais exclus, su mettre le fruit du détournement en lieu sûr.
Pour MM Gillot et Laugier, Adolphe Moudiki, l’administrateur directeur général de cette société, était parfaitement au courant des problèmes qu’il y avait à Chanas et Privat. Son entreprise était l’une des clientes les plus importantes de l’entreprise et feue son épouse y occupait les fonctions de directrice générale adjointe. Ils affirment que M. Moudiki et Antoine Bikoro (ancien directeur financier, puis du budget à la Snh) n’ont jamais reçu mandat de personne pour acquérir pour leurs comptes des actions à Chanas Assurance. Par ailleurs, ils n’ont pas obtenu l’autorisation gouvernementale préalable pour que la Snh devienne actionnaire majoritaire dans cette société, si leur action devait s’inscrire dans le cadre de l’ordre public économique nécessaire.
MM Gillot et Laugier concluent : la Snh a utilisé abusivement les fonds de l’Etat pour créer un déséquilibre entre associés privés en conflit dans une société privée ; M. Moudiki a utilisé le pouvoir institutionnel de la Snh pour porter atteinte à des intérêts privés d’une part, et d’autre part, dans le dessein d’acquérir pour son compte des actions dans une société en relation d’affaires avec la Snh ; les fonds et les pouvoirs de la Snh ont été mis à la disposition des intérêts individuels de MM Moudiki et Bikoro, et Mme Casalegno. Les conseils de MM Gillot et Laugier estiment que ce détournement de derniers publics et cette complicité portent un préjudice à ces derniers qui se voient spolier près de 16 milliards de Fcfa !
Le directeur financier de la Snh explique
Rencontré le 26 mai 2008 à Yaoundé, le directeur financier de la Snh, Mendim Me Ko’o, affirme que les révélations faites au sujet de son entreprise sont inexactes. Il relève d’entrée de jeu que la Snh est bien actionnaire de Chanas Assurance mais n’en possède que 20% des actions. M. Mendim explique en effet que le portage ayant permis à des privés (personnels de la Snh et de Chanas…) et des assureurs et réassureurs d’entrer dans le capital de la société n’était en fait qu’un prêt. Et qu’à ce jour, les emprunteurs ont déjà épongé leur dette.
Pour le chef de la division juridique de la Snh, Marie Chantal Songue, la loi n’interdit pas à la Snh de prendre des actions dans une société. Elle rappelle qu’il s’agit certes d’une entreprise à capitaux publics, mais à caractère industriel et commercial, dotée d’une autonomie financière. En lisant la plaquette de présentation de la 25e session ordinaire du conseil des ministres de l’Association des pays producteurs de pétrole africains qui s’est tenue le 28 mars 2008 à Yaoundé, l’on apprend que la Snh est actionnaire dans 13 sociétés dont certains ne relèvent pas forcément du secteur pétrolier. Ainsi, en dehors de Chanas Assurance où la Snh possède officiellement 20% d’actions, l’entreprise a également 6,21% d’actions dans Cameroon hotel corporation, 51% d’actions dans International Business corporation, 41,5% d’actions au Chantier naval…, 97% d’actions à Hydrac, etc. Ces actions, selon le directeur financier de la Snh, produisent des dividendes au profit de l’Etat. Selon le rapport annuel 2006 de la Snh, le montant des encaissements de dividendes reçus des sociétés du portefeuille de la Snh s’élevait il y a deux ans à 26,635 milliards de Fcfa. Pour ce qui est de Chanas Assurance, Snh Infos d’octobre 2007 révèle que Chanas a réalisé un bénéfice de 1,314 milliards en 2006. Un dividende avant impôt de 22.500 Fcfa par action a été versé aux actionnaires.
De façon générale, indique-t-on à la Snh, la décision d’investissement reçoit avant tout l’aval du conseil d’administration. Pour le cas spécifique de Chanas Assurance, c’est le ministre des Finances qui avait tendu la main à la Snh. Suite à un appel d’offres pour la constitution d’une société d’assurance fiable avec une forte présence des nationaux dans le capital – après la mort de la Socar – les études de la Snh ont montré que cet investissement était rentable. “ Et comme nous sommes là pour faire de l’argent ”, révèle le directeur financier, nous nous y sommes lancés. Et comme il fallait que le dossier soit bouclé avant une certaine échéance, la Snh a prêté main forte à ceux qui étaient intéressés mais n’avaient pas de liquidité tout de suite. C’est ainsi qu’en plus de souscrire pour son propre compte, elle a également souscrit pour le compte des privés.
Dans l’esprit des gestionnaires de la Snh, il n’a donc jamais été question d’interférer sur les affaires de Chanas et Privat. Puisque, affirment-il, “ nous sommes entrés dans la constitution du capital d’une société nouvelle [en création]. ” Soit. Reste que cette société spécialisée dans la prestation des services d’assurances, est née sur les cendres d’une société de courtage dont le litige entre associés n’a jamais été définitivement réglé.
Adolphe Moudiki accusé de détournement
Gillot et Laugier, actionnaires dans Chanas et Privat, disent avoir été spoliés de 16 milliards de Fcfa. A cause des entourloupettes de Mme Casalegno, rendues possibles grâce à la Snh et son DG Adolphe Moudiki.
“ Détournements… et recel ”
Le cabinet d’avocats Abdoul Aziz, agissant pour le compte de Denis Gillot et Louis Laugier, a saisi le tribunal de grande instance de Douala le 10 mars 2008, aux fins de porter plainte et dénoncer Mme Jacqueline Casalegno (directrice générale de Chanas, la plus grande société d’assurance du Cameroun avec plus de 17 milliards de Fcfa de chiffre d’affaires en 2007), Adolphe Moudiki, (administrateur directeur général de la Société nationale des hydrocarbures), Antoine Bikoro (actuel directeur général du Chantier naval et industriel du Cameroun et ancien directeur financier de la Snh) et autres. Ils sont accusés de “ détournements, abus de biens sociaux, tromperie envers associés, escroquerie, présentation de faux bilans, intérêt dans un acte, faux et usage de faux, abus de pouvoir et complicité. ”
Cette plainte arrive après une autre faite avec constitution de partie civile le 20 mars 2007 et déposée au tribunal de grande instance de Paris. Celle-là demandait que le tribunal appelle les personnes sus indiquées “ devant la juridiction de jugement pour répondre des faits de recel avec circonstances aggravantes. ” Le recel, tel que le définit le Code pénal français, est “ le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’un intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou délit. ”
Les plaintes, telles qu’elles sont constituées, relèvent deux questions saillantes : d’une part le conflit entre les ex-associés de Chanas et Privat et d’autre part l’entrée de la Société nationale des hydrocarbures (Snh) avec des fonds publics dans le capital de Chanas Assurance, une société privée. Ayant eu accès au dossier, Le Messager a pu joindre les responsables de la Snh pour donner leur version des faits sur ce qui leur est reproché. Malgré les efforts déployés, Mme Jacqueline Casalegno, actuelle directrice générale de Chanas Assurance, n’a pas été disponible pour répondre à nos préoccupations. Sous réserve de l’éclairage qu’elle pourrait éventuellement apporter, nous publions l’article.
Les personnalités impliquées (Moudiki, Bikoro, Casalegno d’une part ; Denis Gillot et Louis Laugier d’autre part) autant que les faits présentés sont d’une gravité telle que Le Messager a l’obligation de tenir l’opinion au courant. Au-delà du problème entre les associés, c’est la participation d’une société publique dans une société privée qui semble davantage tirer ce sujet dans l’actualité. Tentative de décryptage.
Gillot et Laugier acquièrent 9000 parts sur 10.000
On est en 1989. Madame Jacqueline Casalegno, titulaire de 9.787 parts sur les 10.000 que compte la société Chanas et Privat, cède 5.000 parts à Denis Gillot et Louis Laugier, dont 2.500 parts pour chacun. Elle perçoit en contrepartie 100 millions de Fcfa. Ayant donc vendu ces parts, le capital social de la société est désormais réparti de la manière suivante : Mme Casalegno (4.787 parts), Denis Gillot (2.500 parts), Louis Laugier (2.500 parts), la société Socar (167 parts) et la succession Ferdinad Privat (46 parts).
Le 22 juin 1992, Mme Casalegno vend à nouveau 2.000 parts aux mêmes acquéreurs, dont 1.000 parts pour chacun, et reçoit 40 millions de Fcfa. Le 23 février 1993, Madame vend encore 2.000 parts pour 40 millions de Fcfa à MM Gillot et Laugier. A ce moment, elle n’est plus titulaire que 787 parts. Désormais, les deux acquéreurs détiennent 9.000 parts. Au-delà de l’achat des actions, ils achètent définitivement le portefeuille de Chanas et Privat à concurrence de 3 milliards 277 millions 500 mille Fcfa. Selon MM Gillot et Laugier, Mme Casalegno a fait croire qu’elle vend la société pour partir du Cameroun. Le paiement est effectué en France et Mme Casalegno ne déclare que 200 millions de Fcfa au fisc camerounais.
Le montant de la transaction est calculé sur la base du chiffre d’affaires moyen de l’entreprise sur les trois dernières années, multiplié par 1,5. Soit un milliard 716 millions de Fcfa. Mais MM Gillot et Laugier constatent que l’opération s’est effectuée sur la base de faux chiffres émis par Mme Casalegno. Selon eux, le chiffre d’affaires moyen était plutôt de 995 millions 97 mille 641 Fcfa. Ils concluent que Mme Casalegno a indûment perçu 292 millions 287 mille Fcfa. Qui plus est, révèlent-ils, madame a caché aux plaignants un passif fiscal de plus de 230 millions de Fcfa. Le préjudice à MM Gillot et Laugier s’élève ainsi à environ 529 millions de Fcfa.
[b Casalegno “ reprend] ” Chanas et Privat
Voyant l’affaire lui échapper, Mme Casalegno entreprend de se réapproprier la société dont elle avait pourtant cédé la presque totalité de ses parts représentant 97,87% du capital. Denis Gillot est ainsi révoqué de ses fonctions de co-gérant après une assemblée générale. Il lui est reproché – avec Laugier – des détournements de fonds et des malversations financières. Le cabinet comptable Ernst et Young est désigné pour auditer leur gestion. Effectivement mené, l’audit, non contradictoire, établit un détournement d’un milliard de Fcfa. Suite à une ordonnance du juge des requêtes, les parts sociales de MM Gillot et Laugier sont mises sous séquestre. Elles sont confiées à Me Dooh Collins, notaire, désignée administrateur séquestre.
Mme Casalegno prétend désormais être propriétaire de la majorité des parts, et créancières de MM Gillot et Laugier de 500 millions de Fcfa. Par une résolution de l’assemblée générale du 05 février 1994, les associés convoqués par madame procèdent à une compensation de leur “ prétendue ” créance par le reversement des parts de M. Gillot et Laugier dans le capital social. Ils ne disposent pourtant pas d’un titre exécutoire et encore moins d’un acte de reconnaissance de dette.
Le capital social subit alors des modifications : il passe de 200 à 60 millions de Fcfa, puis à nouveau à 200 millions, avant d’être porté à 300 millions de Fcfa. Mme Casalegno sollicite du tribunal de grande instance de Douala la validation de la saisie-arrêt des parts sociales de ceux avec qui elle est désormais en conflit. Mais le 16 octobre 1998, le tribunal déclare non valable la saisie pratiquée et en ordonne la mainlevée.
Une procédure pénale est engagée contre Mme Casalegno, entre autres, pour tromperie envers associés, rétention sans droit de la chose d’autrui, abus de pouvoir, déclarations mensongères, etc. Les plaignants lui font le reproche de percevoir de façon irrégulière des dividendes, d’utiliser à des fins personnelles les biens de la société, … et surtout d’utiliser l’argent de l’entreprise pour asseoir une organisation de trafic d’influence dans l’administration afin de se maintenir à la tête de la société. Une autre procédure est enclenchée par-devant le procureur près les tribunaux de première et grande instance de Yaoundé auprès duquel une plainte est déposée avec constitution civile le 02 octobre 2000.
Mais les choses ne sont pas faciles, puisque Chanas et Privat, société à responsabilité limitée spécialisée dans le courtage d’assurance, s’est transformée en Chanas Assurance, société anonyme, un an plus tôt.
La Snh rentre dans Chanas Assurance
La nouvelle société ainsi constituée n’a pas tenu compte de tous les problèmes non encore résolus inhérents à la gestion de Chanas et Privat. Selon MM Gillot et Laugier, le capital de Chanas Assurance est détenu à 65% par la Société nationale des hydrocarbures (Snh), établissement à capitaux publics spécialisé dans l’exploration, l’exploitation et la commercialisation du pétrole brut camerounais.
Selon l’expédition notariée n°1910 du répertoire de Me Marceline Enganalim du 19 avril 1999 portant procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire à l’issue de laquelle la transformation s’est opérée, la Snh a acquis des actions pour elle-même. Elle a en outre acheté en portage d’autres actions dont une partie pour des privés camerounais et une autre pour des assureurs et réassureurs. Le capital de Chanas Assurance, formé de 23.000 actions, aurait été souscrit selon la répartition suivante : Snh pour son compte propre (20%), Snh pour le compte de privés camerounais (20%), Snh pour le compte de réassureurs (25%), Casalegno et autres (35%). Une couverture dorée pour Mme Casalegno qui aura, grâce à ses complices, croient savoir ses associés désormais exclus, su mettre le fruit du détournement en lieu sûr.
Pour MM Gillot et Laugier, Adolphe Moudiki, l’administrateur directeur général de cette société, était parfaitement au courant des problèmes qu’il y avait à Chanas et Privat. Son entreprise était l’une des clientes les plus importantes de l’entreprise et feue son épouse y occupait les fonctions de directrice générale adjointe. Ils affirment que M. Moudiki et Antoine Bikoro (ancien directeur financier, puis du budget à la Snh) n’ont jamais reçu mandat de personne pour acquérir pour leurs comptes des actions à Chanas Assurance. Par ailleurs, ils n’ont pas obtenu l’autorisation gouvernementale préalable pour que la Snh devienne actionnaire majoritaire dans cette société, si leur action devait s’inscrire dans le cadre de l’ordre public économique nécessaire.
MM Gillot et Laugier concluent : la Snh a utilisé abusivement les fonds de l’Etat pour créer un déséquilibre entre associés privés en conflit dans une société privée ; M. Moudiki a utilisé le pouvoir institutionnel de la Snh pour porter atteinte à des intérêts privés d’une part, et d’autre part, dans le dessein d’acquérir pour son compte des actions dans une société en relation d’affaires avec la Snh ; les fonds et les pouvoirs de la Snh ont été mis à la disposition des intérêts individuels de MM Moudiki et Bikoro, et Mme Casalegno. Les conseils de MM Gillot et Laugier estiment que ce détournement de derniers publics et cette complicité portent un préjudice à ces derniers qui se voient spolier près de 16 milliards de Fcfa !
Le directeur financier de la Snh explique
Rencontré le 26 mai 2008 à Yaoundé, le directeur financier de la Snh, Mendim Me Ko’o, affirme que les révélations faites au sujet de son entreprise sont inexactes. Il relève d’entrée de jeu que la Snh est bien actionnaire de Chanas Assurance mais n’en possède que 20% des actions. M. Mendim explique en effet que le portage ayant permis à des privés (personnels de la Snh et de Chanas…) et des assureurs et réassureurs d’entrer dans le capital de la société n’était en fait qu’un prêt. Et qu’à ce jour, les emprunteurs ont déjà épongé leur dette.
Pour le chef de la division juridique de la Snh, Marie Chantal Songue, la loi n’interdit pas à la Snh de prendre des actions dans une société. Elle rappelle qu’il s’agit certes d’une entreprise à capitaux publics, mais à caractère industriel et commercial, dotée d’une autonomie financière. En lisant la plaquette de présentation de la 25e session ordinaire du conseil des ministres de l’Association des pays producteurs de pétrole africains qui s’est tenue le 28 mars 2008 à Yaoundé, l’on apprend que la Snh est actionnaire dans 13 sociétés dont certains ne relèvent pas forcément du secteur pétrolier. Ainsi, en dehors de Chanas Assurance où la Snh possède officiellement 20% d’actions, l’entreprise a également 6,21% d’actions dans Cameroon hotel corporation, 51% d’actions dans International Business corporation, 41,5% d’actions au Chantier naval…, 97% d’actions à Hydrac, etc. Ces actions, selon le directeur financier de la Snh, produisent des dividendes au profit de l’Etat. Selon le rapport annuel 2006 de la Snh, le montant des encaissements de dividendes reçus des sociétés du portefeuille de la Snh s’élevait il y a deux ans à 26,635 milliards de Fcfa. Pour ce qui est de Chanas Assurance, Snh Infos d’octobre 2007 révèle que Chanas a réalisé un bénéfice de 1,314 milliards en 2006. Un dividende avant impôt de 22.500 Fcfa par action a été versé aux actionnaires.
De façon générale, indique-t-on à la Snh, la décision d’investissement reçoit avant tout l’aval du conseil d’administration. Pour le cas spécifique de Chanas Assurance, c’est le ministre des Finances qui avait tendu la main à la Snh. Suite à un appel d’offres pour la constitution d’une société d’assurance fiable avec une forte présence des nationaux dans le capital – après la mort de la Socar – les études de la Snh ont montré que cet investissement était rentable. “ Et comme nous sommes là pour faire de l’argent ”, révèle le directeur financier, nous nous y sommes lancés. Et comme il fallait que le dossier soit bouclé avant une certaine échéance, la Snh a prêté main forte à ceux qui étaient intéressés mais n’avaient pas de liquidité tout de suite. C’est ainsi qu’en plus de souscrire pour son propre compte, elle a également souscrit pour le compte des privés.
Dans l’esprit des gestionnaires de la Snh, il n’a donc jamais été question d’interférer sur les affaires de Chanas et Privat. Puisque, affirment-il, “ nous sommes entrés dans la constitution du capital d’une société nouvelle [en création]. ” Soit. Reste que cette société spécialisée dans la prestation des services d’assurances, est née sur les cendres d’une société de courtage dont le litige entre associés n’a jamais été définitivement réglé.
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