Bakassi : le Cameroun compte ses morts
Franck Essomba, Le
Messager,16/06/2008. Déjà cinq corps identifiés après la fusillade du 9 juin dernier. La route de Bakassi coupée. Un poste de commandement renforcé à
Mudemba.
Difficile de dissimuler la vérité pendant longtemps ! Après les nombreuses tergiversations du gouvernement, le peuple camerounais sait désormais, officiellement, que cinq corps ont été retrouvés
“ dans la mangrove ” à Bakassi après les attaques de lundi 9 juin dernier. Ils sont gardés, selon certaines indiscrétions, à la morgue à Limbe. Une personne (certainement un cadavre), sur les six
“ portés disparus ” au départ, reste introuvable, de sources gouvernementales. L’opinion est fixée, au moins sur le sort du sous-préfet de Kombo a Bedimo dont dépend Bakassi. Le représentant du
chef de l’Etat dans cette unité administrative, M. Fonya Félix Morfan, est ainsi passé par les armes, ainsi que des militaires et gendarmes. C’était au cours d’une attaque (confrontation ?) entre
une embarcation camerounaise et des assaillants dont l’identité n’est pas encore clairement établie.
En attendant la suite (en termes d‘action sur le terrain et d’initiative de communication envers le peuple) que le gouvernement camerounais voudra bien donner, la route vers Bakassi, à partir
d’Ekondo Titi, est bloquée. Aucune pirogue civile n’embarque pour la “ zone de terreur ”. Un poste de commandement renforcé a été installé à Mudemba, chef-lieu du département du Ndian dont dépend
Kombo a Bedimo. Les autorités civiles de cet arrondissement ont, pour le moment, replié à Mudemba. De nombreux Nigerians, quant à eux, sont en train de battre le pavé en direction du pays
d’Obasanjo. Bakassi semble à nouveau troublé. L’arrière-pays (au Nigeria comme au Cameroun) chute dans la panique.
Circonstances
Sur les circonstances de l’incident, deux thèses s’affrontent toujours. Selon la première, l’embarcation camerounaise dans laquelle se trouvait une dizaine de personnes allait en mission de
reconnaissance. Les autorités locales étaient informées de ce que des armes se trouvaient à la pêcherie. C’est en allant à la découverte de la cache d’armes qu’ils ont été cueillis à froid. La
deuxième thèse indique que le sous-préfet était en tournée administrative. Il voulait rassurer les populations du climat de sécurité et de la paix qui règnera après août prochain. Pendant la
tournée, des sécessionnistes du Delta du Niger, farouchement opposés au transfert de Bakassi au Cameroun, ont agressé la mission camerounaise. Sauf que cet acte n’a pas encore été revendiqué.
Saisie pour statuer sur le différend frontalier entre le Cameroun et le Nigeria, la cour internationale de Justice de La Haye avait prononcé un verdict, le 10 octobre 2002, reconnaissant la “
camerounité ” de Bakassi. Une commission mixte avait été mise sur pied pour procéder à l’exécution de l’arrêt de la cour. Les rétrocessions de villages dans la partie septentrionale du pays ont
déjà eu lieu. Le problème ne s’est posé qu’avec le retrait des troupes nigérianes de la riche presqu’île de Bakassi. En août 2006, une étape importante avait été franchie. Le drapeau camerounais
avait été hissé au siège des institutions d’arrondissement et le drapeau nigérian descendu. Il est maintenant question d’effacer toute trace nigériane sur la presqu’île et que les habitant se
prononcent sur leur nationalité – ils doivent en effet choisir entre les nationalités camerounaise et nigériane.