Cameroun-Limbe: Les forces de l’ordre défiées
David Nowou, La Nouvelle Expression, 29/09/2008.Des bandes lourdement armées, ont occupé
la ville balnéaire de Limbe. La principale métropole économique du Sud-Ouest du Cameroun. De 1 heure à 4 heures du matin, dans la nuit de samedi à dimanche dernier. Cibles visées : trois
établissements financiers privés. Mais surtout, le principal symbole de l’Etat de la localité qui est la préfecture. Où les bureaux ont été remués de fond en comble.
Si dans les
banques on présume que ces inconnus étaient à la recherche des billets de banque pour des raisons évidentes, on peut continuer de s’interroger sur ce qui pouvait bien les attirer vers le
bureau du chef de terre dont la principale richesse est constituée non pas d’espèces sonnantes et trébuchantes, mais de précieux documents administratifs. La paperasse en fait. Lorsqu’on fait
défiler les différents cas de braquage enregistrés ces derniers temps, il est rare que les bandits se soient intéressés à la fois aux coffres-forts contenant de l’argent, et aux tiroirs des
bureaux où ne s’empilent en principe que des documents. Le fait que les assaillants de Limbe se soient intéressés aux deux objectifs, n’est certainement pas innocent.
Des témoignages concordants indiquent que lorsque ces bandits ont débarqué à “ Down Beach ”, le quartier administratif qui donne sur la mer, ils ont eu le temps de quadriller toute la zone dans laquelle ils devaient opérer. De manière à maintenir à distance toutes les interventions qui pourraient perturber leurs opérations. Ils avaient les moyens de leur politique. Puisque dès les premières minutes de leur attaque, les forces de sécurité ont été alertées, au moins par les coups de feu nourris qui ont mis toute la ville en éveil.
Les quelques éléments des forces de l’ordre chargés de garder les banques ont compris que commencer à tirer devant la puissance de feu des ennemis, était un suicide inutile. Ceux qui sont venus en intervention ont dû se heurter à la résistance des assaillants puissamment équipés. A la fin, le constat est désolant. Les bandits venus à bords de trois embarcations d’après les sources, ont eu le temps de se regrouper et de repartir. Manifestement, sans aucun dégâts dans leur camp. Après avoir tenu la ville en respect pendant trois heures. Au-delà du cambriolage des banques qui peut finalement n’être que l’arbre qui cache la forêt, c’est une démonstration de force pour ces “ assaillants ”.
Péril en la demeure
Il est effrayant de s’imaginer qu’ils auraient pu choisir de s’attaquer plutôt aux installations de la Société nationale de raffinage (Sonara) du Cameroun, située à quelques 20 km de la ville de Limbé. Tout comme ils pouvaient choisir de cibler les plates-formes pétrolières camerounaises dans le golfe de Guinée. Les dégâts cette fois, pour le trésor public, auraient été plus lourds. Pour l’heure, on ne peut pas jubiler d’en être épargné. Parce que les bandits qui ont opéré à Limbe viennent d’inaugurer une formule toute nouvelle qui commande des moyens de riposte conséquents.
Ceux qui ont pris le quartier administratif de Limbe en otage, n’ignoraient pas que la ville dispose des forces de police, de gendarmerie, de l’armée de terre, d’une unité d’équipes spéciales d’intervention rapide (Esir), d’un détachement d’hommes armés affectés à la protection de la Sonara, des éléments de l’armée marine et de la douane active. Sans oublier que toutes ces forces sont aussi stationnées à Buea, le chef-lieu de province, à une vingtaine de kilomètre de Limbe. Comment tous ces hommes n’ont pas pu réagir pendant les trois heures que des bandits ont presque “ annexé ” une ville ? Faudra-t-il comprendre que même la capitale économique, Douala, supposée plus équipée en matière de défense, située à une heure de route de Limbe, n’avait pas le moyens de voler au secours de cette ville balnéaire ?
Hier, quelques mouvements d’hommes de troupe en direction du Sud-Ouest ont été notés. D’aucuns révèlent qu’ils y sont acheminés pour réserver une riposte aux militants sécessionnistes du Sourdern Cameroon national council (Scnc) qui, comme toutes les années, ont annoncé quelques actions symboliques pour le 1er octobre. Une date qui rappelle la Réunification des Cameroun oriental et occidental en octobre 1961. Un accord dans lequel les anglophones du Cameroun se disent toujours lésés.
Le coup que la ville de Limbe vient d’enregistrer ressemble à s’y méprendre à ce qui s’est passé en Guinée équatoriale il y a moins d’un an. Lorsque des bandits lourdement armés ont opéré dans le même style et ont pris la direction de la mer. Certaines informations confidentielles indiquent que les prisonniers que le Cameroun a capturés lors de la dernière attaque à Bakassi, auraient avoué qu’ils faisaient partie de l’expédition de la Guinée équatoriale. Il y a donc péril en la demeure.