Cameroun: le regime de Paul Biya suspend des etudiants de Buea
Le Conseil Exécutif National de l’Association pour la Défense des Droits des
Etudiants du Cameroun (ADDEC) a été saisi le vendredi 24 avril 2009 par les étudiants de l’Université de Buea, à travers le Chairman de l’University of Buea Students’ Union (UBSU), au sujet de la
suspension de cette Université de 14 de nos camarades ainsi que d’un ensemble d’actes de violence répressive perpétrés à l’encontre de nombreux autres. Des écarts extrêmement graves et
enregistrés alors que nos camarades entendaient, partis d’un mémorandum de 12 points, revendiquer pacifiquement l’amélioration de leurs conditions de vie et de formation.
Face à cette situation malheureusement banalisée par les autorités compétentes, l’ADDEC entend présenter ici un certain nombre de faits ayant accompagné ce scandale susceptible de déstabiliser de
façon fâcheuse un climat que nous avons voulu jusqu’ici serein, au sein des Universités camerounaises.
Les faits
Le 13 avril 2009 les enseignants du supérieur rentrent en grève des enseignements censée s’étalée jusqu’au 26 avril 2009. Une grève particulièrement suivie à l’Université de Buea, et qui n’a pas manqué de donner des idées au Vice Chancellor, embarrassé par un débrayage qui une fois de plus restera dans les annales.
Du 13 au 15 avril, la polémique enfle autour de communiqués laissant l’U.B. dans une
atmosphère de « guerre de tranchées ». Le premier communiqué, signé du président de l’UBSU, Shipuh Paul, semble dénoncer la « manipulation » de certains leaders estudiantins qui demanderaient à
leurs camarades de se mêler de la grève des enseignants. Il appelle les étudiants à regagner les amphis malgré l’absence des enseignants.
En réaction à cela, la représentation du SYNES à l’U.B., affligée par ces communiqués aux allures de trahison (étant donné que leurs revendications de meilleures conditions de travail devaient à
coup sûr améliorer les conditions de formation des étudiants) et flairant l’instrumentalisation du président de l’UBSU, rend public un communiqué dans lequel elle dénonce des étudiants engagés
pour de sales besognes visant à impacter sur l’effet de la grève qui étaient en cours. Ce qui a poussé le président de l’UBSU à sortir un autre communiqué dans lequel il traite ses enseignants de
manipulateurs.
En vue de mettre un terme à ces égarements, le Chairman de l’UBSU, Nguve Fred Woka, annonce le 15 avril la tenue d’une session du conseil ordinaire le 16 avril 2009. Inscrite à l’ordre du jour de la rencontre, la question de la grève des enseignants, par rapport à laquelle, comme l’écrasante majorité des étudiants, il ne fait aucun mystère sur son adhésion. Ce qui a suscité des frayeurs au niveau de l’administration universitaire. Raison pour laquelle le Vice Chancellor (V.C.) Vincent Titanji, manifestement paranoïaque, dans une missive adressée au Chairman de l’UBSU, refuse toute tenue de meeting à l’intérieur du campus. Ainsi le Chairman se trouve contraint de revoir l’ordre du jour de la séance afin que celle-ci puisse se tenir. Session au cours de laquelle de solides résolutions ont été prises :
Le Conseil affirme sa responsabilité vis-à-vis des 12 points du mémorandum , parmi lesquels la délimitation et la constatation d’une zone de résidence universitaire ; la publication d’une grille tarifaire des logements d’étudiants ; le renforcement du dispositif sécuritaire à l’intérieur de l’Université, surtout au niveau des chambres d’étudiantes ; la remise en service des toilettes ; la définition d’un délai pour la production des attestations et des diplômes.
Le Conseil dénonce l’immiscion délibérée et sans mandat du président de l’UBSU dans une question sensible telle que la grève des enseignants.
Au regard des méprises antérieures du président de l’UBSU (ayant auparavant reçu une
lettre d’avertissement provenant du conseil), le Conseil vote une motion de suspension de signature de ce dernier pour une semaine et met sur pied une commission d’enquête sur les faits qui lui
sont reprochés.
Le Conseil élit des membres dans les postes restés vacants pour cause de litige, suivant les instructions du V.C.
Lundi 20 avril 2009, le V.C. décide arbitrairement et illégalement de suspendre le Chairman, qu’il remplace à ce poste par le Chargé des affaires juridiques. C’est avec cette ingérence que les
soupçons des autres membres du Conseil de l’UBSU, au sujet des attitudes malsaines de leur président, vont définitivement se confirmer. Comme protégé du Recteur (et partageant en l’occurrence la
même fibre zoologique), il cosigne l’acte de suspension. Forfaiture rapidement et logiquement dénoncée et considérée comme nulle et de nul effet, par le Conseil.
Le mardi 21 avril, une délégation des conseillers et du bureau de l’UBSU sollicite une audience auprès du Recteur, afin de discuter de la suspension du Chairman et lui remettre les 12 points du mémorandum. Une marque de plus, d’un attachement indéfectible au dialogue, mais qui butte sur l’hostilité, la raideur d’esprit du V.C. Avec comme conséquence directe et évidente une entrée en grève non violente. Le président de l’UBSU prend alors sur lui d’établir une liste de 19 de ses camarades qu’il dépose sur la table du recteur, question de les faire traduire au Conseil de Discipline. Parmi ceux-ci - couronnement de sa mauvaise foi - des étudiants pratiquement hors de la ville depuis des jours, et d’autres non étudiants.
La militarisation du campus qui s’en est suivie oblige les leaders estudiantins à boycotter majoritairement le Conseil de Discipline. A l’issue de ce conseil qui s’est tout de même tenu, 14 leaders sont suspendus de l’Université (voir la liste en pièce jointe) avec entre autres raisons spécieuses la rédaction des 12 points du mémorandum. Décision prise en totale violation des dispositions qui régissent l’Université de Buea et qui précisent que le Conseil de Discipline ne peut délibérer sur le cas d’un étudiant en son absence que si celui-ci a 3 fois manqué à l’appel dudit conseil.
Mercredi 22 avril 2009, le Conseil de l’UBSU dépose le mémorandum de 12 points au
poste de sécurité du Bloc Central Administratif, après le refus du V.C. de les recevoir.
Vendredi 24 avril, alors que les étudiants se rendent au campus pour poursuivre la grève non violente ils sont chargés par une meute de policiers lourdement armés. 5 sont arrêtés, sauvagement
brutalisés, et conduits au poste de police. Parmi eux, l’un des leaders estudiantins, Ayuk Félix Otang, affreusement amoché.
ANALYSE ET POSITION DE L’ADDEC
L’Association pour la Défense des Droits des Etudiants du Cameroun dénonce avec la
dernière énergie le mutisme du Ministre de l’Enseignement Supérieur devant cette cabbale engagée contre la passion pour le respect de la légalité et des valeurs du dialogue ; et précise ce qui
suit :
L’Université n’est pas et ne sera jamais un bantoustan à la merci de tous les « Néron noirs », avides d’autoritarisme, enivrés de zèle, assoiffés de sang et qui n’hésitent pas à user de
népotisme, d’instrumentalisation et de délation pour dévoyer des revendications nobles et légitimes devant nous sortir des marasmes d’une société à la dérive.
La décision de suspension ou d’exclusion d’un étudiant d’une Université d’Etat n’appartient nullement au chef de l’institution universitaire en question. En effet, la révocation d’un étudiant dans un Etablissement d’Enseignement Supérieur, selon l’article 62 alinéas 2 et 3 au chapitre 4 du Décret Présidentiel du N° 93/027 du 19 janvier 1993 portant Dispositions Communes aux Universités d’Etat, seul le Ministre de l’Enseignement Supérieur peut décider sur proposition du Recteur et sur la base des conclusions d’une instance ayant tablé sur l’affaire et ayant requis les positions des différentes parties prenantes, de révoquer ou de suspendre la scolarisation d’un étudiant ou d’un élève.
L’UBSU est une association estudiantine régie par des textes qui garantissent son indépendance vis-à-vis de l’administration universitaire ; et ne saurait faire l’objet d’ingérences abjectes, véritables manœuvres de nature à semer la zizanie et générer des affrontements.
L’ADDEC, fort de ce qui précède :
Dénonce avec véhémence ces réflexes anachroniques de recours instinctif à la
militarisation du campus, à la violence aveugle, comme réponse à toute démarche pacifiste et en totale adéquation avec les valeurs de la république ;
Dénonce l’insistance peu respectueuse, le harcèlement peu civilisé du Vice Chancellor, son overdose de zèle dans sa détermination à fragiliser l’UBSU ;Dénonce cette phobie paranoïaque et cette
présomption négative au sujet d’actions pourtant citoyennes ;
Par conséquent, l’ADDEC :
Exige la libération immédiate des étudiants abusivement arrêtés et détenus ; et subséquemment une prompte démilitarisation du campus ; Somme avec la plus grande fermeté le Vice Chancellor de réhabiliter sans délai et publiquement les étudiants injustement suspendus ; Engage la responsabilité du Vice Chancellor en cas de pourrissement général de la situation en cette veille des Jeux Universitaires ; Exige du Ministre de l’Enseignement Supérieur une rupture sans délai du silence, afin de stopper nette cette imposture qui n’a que trop duré ; Exige de l’administration universitaire de Buea la prise en charge des soins médicaux des étudiants blessés ; Exige l’ouverture immédiate des négociations en vue d’apporter des réponses aux revendications posées par l’UBSU ; Réaffirme son soutien aux étudiants en colère et leur demande de continuer à résister pacifiquement et avec fermeté contre la tentative de musellement et de restriction des libertés à l’université de Buea par le V.C., tout en faisant preuve de pondération et de non violence ; Se réserve le droit d’engager toute action qu’elle jugera nécessaire dans les jours à venir, si rien n’est fait pour garantir la sécurité de nos camarades et s’assurer qu’ils rentrent dans leur droit.
© Correspondance : Le Conseil Exécutif National ADDEC