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Publié par Le Messager

 Jean François CHANNON, Le Messager, 06/05/2009.Comment Cavaye, Amadou Ali et Talba Mala ont ourdi l’arrestation du “ rebelle ” des Monts Mandaras.Le rebelle autoproclamé, Liman Oumaté Malloum est détenu à Yaoundé sous haute sécurité, dans les locaux de la direction générale de la recherche extérieure (Dgre). Il y est arrivé le 23 avril 2009. Accueilli la veille à l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen, par un dispositif particulier que conduisait le gouverneur de la région du Centre Koumpa Issa, l’homme qui donnait au président Paul Biya jusqu’au 30 avril pour quitter le pouvoir, a d’abord été conduit dans les locaux de la sécurité militaire (Semil), non loin du ministère de la Défense. Avant d’être transféré, toujours sous haute sécurité, dans les locaux de la Dgre.

Ici, le “ rebelle des Monts Mandara ”, comme l’appellent depuis un certain temps ses camarades d’enfance du département du Mayo-Sava, est exploité par des spécialistes du renseignement et de la sécurité. On parle des examens médicaux approfondis, pour savoir s’il jouit de tous ses sens. Mais aussi, d’un traitement psychologique renforcé, question de voir jusqu’à quel niveau ses nerfs peuvent résister.

Certaines sources bien introduites indiquent que de Genève où il se trouve, le chef de l’Etat aurait demandé que toute la lumière soit faite sur ce jeune homme, notamment sur les fondements de son mouvement et de son action. On apprend ainsi que le fameux colonel israélien Sirven, conseiller militaire de Paul Biya, aurait été mis à contribution. Pour l’instant, rien n’a filtré de cette “ exploitation ” de Liman Oumaté Malloun. Sauf certaines allégations distillées dans certains milieux sécuritaires de la capitale, et selon lesquelles le rebelle autoproclamé maintiendrait ses menaces. A savoir, sa prise prochaine du pouvoir au Cameroun. Il aurait même aussi invité le président Paul Biya à quitter le pouvoir avant qu’il ne se fasse tard pour lui.

Le trio du Mayo-Sava

Selon nos investigations, l’arrestation de Liman Oumaté Malloun est l’œuvre d’un trio de personnalités proches du régime, tous originaires du département du Mayo-Sava, unité administrative dont est par ailleurs originaire Liman Oumaté Malloun. Il s’agit respectivement du président de l’Assemblée nationale, Cavaye Yeguié Djibril, du vice-Premier ministre, ministre de la Justice, garde des sceaux, Amadou Ali, et du directeur général de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures, Ibrahim Talba Mala. Nous sommes en début avril 2009.

Liman Oumaté Malloun vient de lancer son ultimatum qui donne à Paul Biya jusqu’au 30 avril 2009 pour quitter le pouvoir. Au sein des fidèles du régime en place au Cameroun originaires du septentrion en général, et de la région de l’Extrême-Nord en particulier, l’affaire commence à agacer. Quelques mois avant, après que Liman Oumaté Malloun s’était fait connaître à travers son mouvement de libération du peuple camerounais (Mlpc), certaines élites de la région de l’Extrême-Nord en général, et en particulier du Mayo-Sava avaient multiplié des actions pour cerner le personnage.
“ On ne se lève pas brusquement ainsi pour commencer à menacer la sécurité d’un pays comme le Cameroun.

Il fallait donc comprendre ce qui se passe. Si on ne faisait rien, au sein de l’opinion publique, certains allaient commencer à se poser des questions. Ou alors, d’autres politiciens, originaires du Grand nord, allaient se saisir de cette situation pour commencer à faire chanter politiquement le régime. Dans le Mayo-Sava, département qui, depuis 1990, a montré sa fidélité au Rdpc et à son chef, nous ne pouvions pas l’accepter ”, explique une élite originaire de l’arrondissement de Mora. C’est ainsi que mission a été donnée aux responsables des services de sécurité présents sur place, dont le commandant de compagnie de gendarmerie du Mayo-Sava, le capitaine Abah Ndzengue (récemment muté), de recueillir les informations utiles sur le rebelle autoproclamé.

Les premières notes d’informations envoyées par le capitaine Abah Ndzengue (celui la même qui avait été mêlé à Douala dans l’affaire des 9 disparus de Bépanda) aux élites du Mayo-Sava faisaient alors état du fait que Liman Oumaté Malloun, fils d’un défunt grand marabout bien connu à Mora, serait fortement armé et qu’il aurait derrière lui plus de 2 000 combattants prêts à créer une sérieuse rébellion dans la région. Abah Ndzengue aurait alors demandé d’importants moyens aux élites du Mayo-Sava pour faire face à cette menace.

Malheureusement pour lui, les élites du Mayo-Sava n’adhèrent pas à sa demande de moyens “ qui frisait quelque peu une tentative d’escroquerie et un désir d’enrichissement personnel ”, pour reprendre un commentaire d’une élite du Mayo-Sava. Ils préfèrent mener d’autres investigations parallèles avec pour objectif de localiser et de maîtriser les mouvements de Liman Oumaté Malloun. Ainsi, lorsque le rebelle autoproclamé lance son dernier ultimatum à Paul Biya, les élites du Mayo-Sava savent exactement où il se trouve, notamment dans la ville nigériane de Maiduguri. Et ont même déjà engagé des premières négociations avec lui, à travers un de ses amis d’enfance, le nommé Brahim Blâma.

Le 6 avril 2009, Ibrahim Talba Mala saisi Amadou Ali pour lui faire comprendre qu’il apparaît utile de vite agir. Surtout avant le 24 avril 2009. A cette date, il est prévu une réunion du comité de développement du département du Mayo-Sava à Mora. Pour Ibrahim Talba Mala qui est justement originaire de l’arrondissement de Mora, fils d’ancien ministre et important responsable au Rdpc, il est hors de question que ces assises se tiennent alors qu’il y a un fils de Mora comme lui, et surtout de sa tribu, qui menace les institutions de la République. Talba Mala se met donc d’accord avec Amadou Ali sur le fait qu’il faille faire quelque chose.

Le 10 avril 2009, Amadou Ali envoie un mot manuscrit à Cavaye Yeguié Djibril dans lequel il lui demande de convoquer en tant que aîné à son domicile “ une réunion de concertation et de stratégie à trois pour régler la question Liman Oumaté Malloun. ”
Controverse sur la coopération des autorités nigérianes

La réunion a effectivement lieu quelques jours après. Elle regroupe entre autres ces trois élites de premier plan et hauts cadres du parti au pouvoir. Après d’âpres discussions, le trio convient de maintenir le contact avec Liman Oumaté Malloun à travers son camarade d’enfance Brahim Blâma. Ceci, pour connaître et cerner toutes ses ambitions et prétentions. Surtout que dans un message à eux adressé quelques jours avant, Liman Oumaté Malloun aurait exigé par l’entremise de son camarade, la somme de 300 millions Fcfa pour arrêter les hostilités vis-à-vis du régime de Yaoundé.

Toutefois, de manière stratégique, Cavaye Yeguié, Amadou Ali et Ibrahim Talba Mala conviennent d’adresser un message au gouverneur de l’Etat de Borno, basé à Maiduguri où se trouve justement Liman Oumaté Malloun. Ibrahim Talba Mala est ainsi chargé de concevoir la lettre en anglais, qui sera adressée au gouverneur Ali Shérif Modu. Dans cette correspondance, nos sources indiquent qu’il aurait été fait état de la présence à Maiduguri “ d’un dangereux rebelle qui menace la paix et la sécurité du Cameroun. ” Cavaye Yeguié Djibril qui est le signataire de ladite lettre demande ainsi à son frère et ami Ali Shérif Modu de tout mettre en œuvre pour que la déstabilisation du Cameroun ne vienne pas de l’Etat du Borno. La correspondance est envoyée quelques jours après au député Abba Malla Boukar. Ce dernier devra personnellement se rendre à Maiduguri au Nigeria.

Le 15 avril 2009, Amadou Ali se charge d’envoyer au député Abba Malla Boukar par Express Union, la somme de 3 200 000 Fcfa (trois millions deux cent mille francs Cfa), fruit de la cotisation des trois élites du Mayo-Sava pour couvrir les frais de mission et de négociation. Il est difficile de savoir, à l’état actuel de nos investigations, si les autorités nigérianes ont effectivement coopéré pour l’arrestation et l’exfiltration de Liman Oumaté Malloun, selon un scénario largement commenté par les médias camerounais. Certains diplomates nigérians basés à Yaoundé et approchés par Le Messager ayant refusé de se prononcer sur la question.

Toujours est-il que, dans les entourages respectifs du président de l’Assemblée nationale Cavaye Yeguié Djibril et du vice-Premier ministre Amadou Ali, on l’atteste la main sur le cœur. On apprend par ailleurs des mêmes sources que le gouverneur de l’Etat de Borno, Ali Shérif Modu, aurait saisi le président nigérian, Umaru Musa Yar’Adua, pour lui poser le problème Liman Oumaté Malloun. Et que le chef d’Etat nigérian, très attaché au président Paul Biya se serait alors ému et aurait donné son accord d’arrestation et de rapatriement du “ rebelle ”, même s’il n’existe pas d’accord d’extradition entre le Cameroun et le Nigeria. En tout cas, le 21 avril 2009, Liman Oumaté Malloun est neutralisé à Maiduguri

Au final, toute l’opération d’arrestation et d’exfiltration de Liman Oumaté Malloun, de Maiduguri jusqu’à Yaoundé, s’est déroulée sans le moindre coup de feu. Amadou Ali est personnellement allé superviser l’opération à partir de Garoua. Pendant que Ibrahim Talba Mala et Cavaye étaient sur le terrain respectivement à Mora et Maroua.

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