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Publié par Delphine E. Fouda

  

Elu Maire de Njombé-Penja dans la province du Littoral, depuis les dernières élections de juillet 2007, Paul Eric Kingué militant du parti au pouvoir avait eu la maladresse  de dénoncer les exactions perpétrées par les forces de l’ordre dans sa circonscription. C’était au cours  des émeutes qui ont secoué le pays en février dernier. Dans une seconde lettre ouverte adressée au Président de la République, Paul Eric Kingue dénonce les tares du système.
Le Messager, 30 /04/2008 Lettre ouverte : Le maire de Njombé-Penja écrit encore à Paul Biya*
Excellence Monsieur le président de la République,

C’est du fond d’une cellule de la prison principale de Nkongsamba que je vous écris cette fois-ci, pour dénoncer la mise en scène incohérente et dénuée de tout fondement soutenable juridiquement, entretenue autour de l’affaire qu’il convient désormais d’appeler “ Affaire Paul Eric Kinguè – Maire de Njombé-Penja ”.
Monsieur le président, je vous écris cette fois, disais-je officiellement, par le couvert du régisseur de la prison de Nkongsamba, dont je suis l’un des pensionnaires depuis le 19 mars 2008.
Longtemps bâillonné par mes geôliers qui, depuis ma dernière lettre ouverte se sont senti éclaboussés, ils ont tout verrouillé pour m’empêcher de toute réaction. Mais parce que courageux et convaincu de la pertinence des efforts que vous avez fait jusqu’ici, pour permettre aux Camerounais de s’exprimer, j’ai décidé de m’exprimer, même si mort devrait s’en suivre.
Lorsque le 10 mars 2008 au cours d’une conférence de presse organisée à Yaoundé, le ministre Marafa Amidou Yaya affirmait je cite : “ … Cerises sur le gâteau pendant les émeutes, le maire de Njombé-Penja qui est supposé être un responsable public, s’est retrouvé à la tête d’une horde de voyous pour aller attaquer le poste de gendarmerie de Penja… ”. Tout se passait dans ses déclarations comme s’il avait personnellement vécu les faits. Seuls les esprits crédules pouvaient y croire car aujourd’hui, c’est-à-dire deux semaines après l’ouverture de l’information judiciaire et après les auditions d’une dizaine de présumés coupables détenus dans la même prison, la machine est bloquée.
Pourquoi donc est-elle bloquée ? Parce que rien de ce qui était dit aux Camerounais ne transparaît dans les enquêtes. C’est la panique ici à Nkongsamba. Magistrats, bourreaux et adversaires politiques sont toujours à la recherche du fil conducteur alors que les sources ont tari. Seulement, pour éviter les représailles venant de vous (parce qu’il faut le reconnaître, vous êtes respectueux de la forme, bref des procédures), ceux-ci ont purement et simplement décidé de changer de tactique. Laquelle alors ? Ils sont même prêts à acheter les aveux et sont même en train de se démener pour les acheter afin de me clouer.
Mais en attendant, il m’a été rapporté qu’un conseil municipal de ma commune a été convoqué par le préfet du Moungo (monteur principal de cette affaire) pour le 2 mai 2008. Les convocations ne portent pas l’ordre du jour sans doute, parce que ce jour-là, ils placeront un gendarme derrière chaque conseiller pour le contraindre de signer mon “ débarquement ”. Quelle lâcheté ? Je croyais avoir été suspendu pour une période de trois mois, période au cours de laquelle la justice devrait permettre aux Camerounais et à vous-même, de connaître la vérité dans cette affaire racommodée de toutes pièces, pour justifier auprès des corrupteurs de la bananeraie, l’argent qu’on a perçu pour détruire le maire empêcheur de corruption, que je suis. Pourquoi donc un conseil pour me “ débarquer ” avant que les Camerounais aient été édifiés sur ces grossiers mensonges qui m’ont été collés au dos et qui ont conduit à ma suspension ?
Que prévoit la loi ? En ce moment, l’on ne peut parler de la vacance de fonction à la mairie de Njombé-Penja car un texte “ régulier ”, fut-il illégal m’a suspendu de mes fonctions et nommé une intérimaire pour la durée de la suspension.
Logiquement donc, c’est au terme de ladite suspension que devrait intervenir la révocation par arrêté signé de vous-même ou la réhabilitation tacite. Que pense inventer ma tutelle ?
Excellence Monsieur le président de la République, dans l’une de vos interventions télévisées et réagissant à une question qui vous était posée, vous répondiez en ces termes : “ Je voudrais que les Camerounais retiennent de moi que je suis celui qui leur a apporté la démocratie ”. Et sans en douter, la démocratie se fixe chaque jour un peu, même si ce n’est pas au rythme voulu par tous. Et parce que donc, nous sommes en démocratie, pourquoi certains de vos collaborateurs ont-ils peur que la vérité soit dite dans cette affaire ? Sans doute, parce qu’ils se sont vite lancés dans les déclarations ressemblant à la prestidigitation et qu’il leur devient difficile d’apporter les preuves de leurs allégations. Oui, Excellence Monsieur le président, l’information judiciaire est bloquée. Les sources aussi ont tari. Mais ce qui manque le plus, c’est le courage par ceux en charge de ce dossier, de vous dire le R.A.S (rien à signaler) de cette affaire. C’est la panique, je vous l’assure ! Pour vous en convaincre, demandez-leur de vous faire tenir leur dossier jusqu’à ce jour. Par respect des lois, je m’interdis de faire tout commentaire, toute déclaration liée à l’information judiciaire jusqu’à son terme. Mais avec insistance, je vous prie Excellence, de demander que vous soit transmis ce dossier. En le lisant, vous vous rendrez compte trop vite que la République et ses populations ont été trompées dans cette affaire. Vous comprendrez alors que ce n’était que de la poudre aux yeux pour justifier l’argent déchargé auprès des sociétés de bananeraie que j’ai dénoncées, pour n’avoir pas payé les impôts et taxes communales depuis trente ans au moins. Tout le monde ou presque, a déjà été entendu à l’information judiciaire et c’est alors que la “ grippe ” attrape la machine. Qui elle est grippée. Malgré les tortures, les sévices, les chantages et autres pressions subis par les personnes entendues, le fil d’ariane, sésame rare souhaité pour mes bourreaux n’est toujours pas trouvé. Alors que Lapiro de Mbanga, arrêté pourtant un mois après moi, voit déjà sa procédure tirée vers la fin.
Nkongsamba serait-il un monde à part ou une île ? Pourquoi bloquent-ils volontairement la machine ? Sans doute pour exploiter le motif de “ vacance ” dont parlait hier, le ministre Grégoire Owona, dans l’émission “ 52 minutes de vérité ” animé par Anani Rabier Bindzi de Canal 2. Or il n’y a pas vacance, il y a suspension et en cas de suspension, le conseil ne peut démettre un maire, toute révocation après suspension relevant uniquement de la compétence du président de la République que vous êtes. La justice ayant été saisie du dossier, seule sa décision, mais alors sa décision définitive (Grande Instance, Cour d’appel, Cour suprême) seule disais-je, devrait ouvrir la porte à ma révocation. Et, ce sera le droit, ce sera la loi, ce sera la justice. Vous connaissant fondamentalement attaché à nos lois dont vous êtes le garant constitutionnel, je ne doute pas un seul instant, que ces collaborateurs trempés jusqu’à la nuque, ne réussiront pas à vous faire signer ma révocation, car on ne saurait condamner quelqu’un sans qu’il ait été jugé des faits qui lui sont reprochés. Or en ce moment, la justice, a encore le dossier pandant dans ses juridictions du Moungo. Je ne me cacherai pas Excellence Monsieur le président de la République, pour dire que si ce conseil municipal boudé par les conseillers qu’on torture tous les jours, siège et prend toute décision viciée, je saisirai la chambre administrative pour m’opposer à chacune de ses décisions. En attendant, Excellence, je vous prie de rester éveillé sur ce dossier en panne à Nkongsamba car que ne feraient vos collaborateurs véreux pour tromper votre vigilance ? Je suis fier d’affirmer que nous sommes dans un Etat de droit. Vous l’avez voulu ainsi, et pour cette raison donc, que le droit soit dit ! Que les pressions sur les magistrats cessent car les Camerounais de l’intérieur et de la diaspora veulent comprendre l’issue de ce feuilleton qui a terni l’image de notre cher et beau pays, en terme de droits de l’homme. Nul doute Excellence, qu’au terme de cette affaire, vous comprendrez que certains parmi vos collaborateurs (qui se reconnaissent dans ce dossier) ne passent leur vie politique qu’à vous mentir pour arrondir leurs intérêts personnels, mais rien n’étant permanent (No situation is permanent) combien de temps pensent-ils que vous les garderez à vos côtés ?
Pour conclure, je vous prie de rester éveillé car je reste convaincu qu’après la publication de cette lettre, ma tête sera coupée dans cette prison où j’invite déjà les Ong de droits de l’homme à venir dès demain pour ma sécurité.
Je suis du Rdpc que vous vous battez à construire et non celui des profiteurs qui, chaque jour, sabordent votre politique en se cachant derrière notre parti.

* Le titre est de la rédaction

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