"Pourquoi la révision à la hausse du taux de paiement des droits universitaires est illégale"
Addec paru
dans icicemac.com,08/07/2008.Depuis le dépôt d’une plainte de l’Association pour la Défense des Droits des Etudiants du Cameroun (ADDEC) contre le Directeur de l’ESSTIC, le 20 juin
dernier, pour perception de droits universitaires illégaux, plusieurs responsables universitaires, harcelés par la presse et une opinion publique soucieuse de comprendre, ont enfin été amenés à
sortir du silence dont ils couvraient jusqu’ici leurs délits de surenchérissement des droits universitaires et de marchandisation des enseignements. Plusieurs réactions ont donc été enregistrées,
venant notamment du Directeur de l’Ecole Supérieur des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication (ESSTIC), et des responsables de l’Université de Yaoundé
II.
Mais loin de reconnaître leur faute et de plaider coupable devant le tribunal de la conscience publique, l’opinion nationale et internationale a eu droit, depuis quelques
jours, à un déferlement de mauvaise foi, de mensonges et de prestidigitation juridique tendant à justifier des pratiques qui violent de manière flagrante les textes qui régissent les Universités
d’Etat du Cameroun. Une campagne qui vise manifestement à induire l’opinion publique en erreur et à présenter le combat de l’ADDEC en faveur de l’égalité d’accès à l’université comme une cabale
et un acharnement injustifié contre quelques individus ou encore comme une action naïve initiée par des étudiants « qui ne s’informent pas ».
Ceci étant, l’ADDEC s’est senti le devoir de prendre ses responsabilités en expliquant, au peuple Camerounais et à la communauté internationale, pourquoi les pratiques qui consistent à
revoir (de manière fantaisiste) le taux de payement des doits universitaires à la hausse sont illégales.
Genèse et contexte général du combat de l’ADDEC contre la marchandisation des enseignements
Le problème des conditions et des modalités de paiement des droits universitaires, ainsi que celle de leur coût n’est
pas une préoccupation nouvelle de l’ADDEC. Ces préoccupations se retrouvent au fondement même de notre association, dont la création, le 31 mars 2004, se fit dans un contexte où Sammy Beban
Chumbow, alors recteur de l’Université de Yaoundé I, prit sur lui d’imposer le paiement de la totalité des droits Universitaires comme condition de présentation aux examens de fin du premier
semestre académique, en violation du Décret du 19 janvier 1993, fixant les taux de paiement des droits universitaires. Depuis lors, l’ADDEC n’a cessé de dénoncer bien d’autres aspects de
l’épineux problème des droits universitaires et en particulier le
caractère prohibitif de leur coût.
Le cas particulier des filières qui, sous prétexte de «professionnalisation», exigent des droits universitaires prohibitifs est dénoncé, depuis plusieurs années déjà, par l’ADDEC. C’est dans
cette logique qu’en mai 2007 par exemple, Le Messager des Campus (Mensuel d’information de l’ADDEC) s’était intéressé, à l’Université de Douala, au cas de la filière Comptabilité et Finance
de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion appliquée où l’on exigeait 125 000 F Cfa de droits universitaires, alors que pour la même formation à l’Université de Ngaoundéré, le taux de
paiement était maintenu à 50 000 F. Plusieurs fois également le doyen de la Faculté des Lettres, Arts
et Sciences Humaines, certains responsables des Universités de Yaoundé II et de Douala ont reçu des plaintes de l’ADDEC, attirant leur attention sur le caractère illégal de ces formes de
surenchère.
Comme on peut le constater, le cas des cycles de maîtrise professionnelle de l’ESSTIC n’est donc ni le premier, ni le seul que l’ADDEC stigmatise. Il s’agit plutôt de l’établissement à propos
duquel l’Association pour la Défense des Droits des Etudiants du Cameroun a enregistré, le plus de plainte de la part des étudiants et avec plus constance depuis juillet 2007. C’est la raison
pour laquelle l’ADDEC a été emmenée à en faire un cas d’école.
Certains des responsables universitaires incriminés – le Recteur de l’Université de Yaoundé II et le directeur de l’ESSTIC notamment – se sont donc exprimés sur la question des filières dites professionnalisantes et ont tenté, tant bien que mal de justifier leur délit. Mais en fin de compte, leurs sophismes, bien que dotés d’une cohérence interne qui leur donne l’apparence de la vérité, auront surtout étalé les limites de leurs argumentaires respectifs qui, du reste, sont passablement contradictoires.
Illégalité
- En effet, le décret présidentiel N°93/033 du 19 janvier 1993 est le texte qui fixe les taux de paiement des droits universitaires dans les Universités d’Etat du Cameroun. Ce décret qui
modifient certaines dispositions du décret n°79/186 du 17 mai 1979 dispose, en son article 2 (nouveau) que : « les étudiants de nationalité camerounaise s’acquittent des droits dont le taux
forfaitaire est fixé à 50 000 f cfa par étudiant, dans tous les établissement des institutions universitaires.
- Ce décret ne prévoit aucune dérogation particulière à cette disposition, en ce qui concerne les étudiants de nationalité camerounaise.
- Seuls les étudiants de nationalités étrangères, sous réserve de réciprocité, sont soumis à des tarifs variant de 300 000 F à 1 000 000 de Francs, selon les établissements ou les
formations sollicités.
- Les différents types de Droits Universitaires (Les Droits universitaires classiques et ceux professionnels situés entre 600 000Frs et 800 000Frs) évoqués le 30 juin dernier, sur les antennes de la CRTV-radio, par M. Laurent
Charles Boyomo Assala, directeur de l’ESSTIC, sont un pure produit de sont imagination et ne sont prévus par aucun des textes qui fixent le cadre général de paiement des droits
universitaires.
- Pour tenter de justifier le non respect des textes, M. Laurent Charles Boyomo se fonde sur les décisions d’un Conseil d’Université de Yaoundé II de l’an 2006 qui, à l’en croire, lui
autoriserait à fixer des taux exceptionnels des droits universitaires qui pourraient variés de 600 000 à 800 000 F.cfa.
- Or l’on sait que selon les principes de la hiérarchie des normes et du parallélisme des formes juridiques, le règlement le plus élevé ici est le décret présidentiel du 19 janvier1993
auquel aucun acte règlementaire inférieur ne saurait déroger. Les normes juridiques constituant entre elles un ordre cohérent, les plus détaillés sont encadrés par les plus générales qu’elles ne
peuvent contredire, ni abroger.
- Il n’y aurait donc qu’un autre décret présidentiel (ou une loi) pour invalider ou modifier le décret sus-cité ; or un tel décret n’existe manifestement pas et un conseil d’université ne
saurait être qualifié pour annuler, modifier ou compléter les dispositions d’un décret présidentiel.
Bon nombre d’arguments convoqués par les responsables universitaires pour tenter de couvrir l’arnaque sont tout aussi sophistiques ou relèvent simplement de la tautologie : ainsi en est-il de
l’argument consistant à insister sur la généralisation de cette pratique, comme si la généralisation d’un délit ou son antériorité sont des gages de légalité.
C’est pour porter définitivement l’estocade à cette pratique illégale qui prospère dans nos universités, avec la complicité passive de quelques autorités, que l’ADDEC a décidé, après plusieurs
plaintes vaines auprès des responsables incriminés, de porter plainte contre le Directeur de l’ESSTIC pour concussion. Le cas de l’ESSTIC, devant faire école, dans la perspective d’un combat
acharné que nous mènerons jusqu’à l’éradication de toutes les formes d’atteinte au principe de l’égalité d’accès à l’Université.