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Publié par Delphine E. Fouda

 Irin News : rk/ail / Camer.be,22/09/2008.L’appel à l’aide désespéré lancé récemment par Marie Gisèle Tientcheu, une étudiante camerounaise séropositivesur Camer.be, pour se procurer les antirétroviraux de troisième ligne dont elle a besoin pour continuer à vivre, a mis en lumière la situation des patients qui, comme elle, sont en échec thérapeutique mais n’ont pas accès aux ARV les plus récents dans leur pays.Activiste de la lutte contre le sida très médiatisée au Cameroun, Mme Tientcheu, qui a été diagnostiquée positive au VIH il y a huit ans, vit dans la peur d’être en train de mener son dernier combat contre la maladie.

« Je me dis que le pire peut arriver à tout moment », a dit à IRIN/PlusNews cette jeune femme d’une trentaine d’années, ajoutant que le désespoir était tel que l’idée de se donner la mort lui effleurait souvent l’esprit.

Il y a deux ans, lorsque ses analyses ont montré que son taux de CD4 (qui mesure la résistance du système immunitaire) n’augmentait plus, les médecins ont suspecté une résistance aux ARV –lorsque l’organisme ne répond plus au traitement- mais Mme Tientcheu n’a pas pu faire de test de confirmation dans l’immédiat, faute de moyens.

« Ce test est encore très cher [150 000 francs CFA, soit 332 dollars] et n’est pas à la portée de beaucoup de personnes séropositives », a-t-elle expliqué à IRIN/PlusNews.

Après plusieurs mois d’attente, Mme Tientcheu a finalement pu bénéficier d’un test gratuit en 2007, dans le cadre d’un projet mené par l’organisation médicale internationale Médecins sans frontières au Cameroun.

Mais après quelques mois de traitement, son taux de CD4 a cessé d’augmenter. Malgré plusieurs modifications de son protocole thérapeutique, qui ont enregistré quelque succès pendant un temps, Mme Tientcheu est aujourd’hui au bord du précipice, disant multiplier les infections opportunistes.

« L’une des trois molécules prescrites par mon médecin m’a tellement affectée que j’avais le sentiment d’être en train de mourir», a dit la jeune femme, qui a connu, depuis la révélation de son infection, un parcours thérapeutique chaotique et des épisodes de maladie particulièrement violents.

Le problème de la résistance

Il n’existe pas de statistiques officielles des taux de résistance sur le plan national au Cameroun, mais une étude effectuée en 2007 chez des patients suivis à l’hôpital central de Yaoundé, la capitale, a révélé un taux de résistance de 4,4 pour cent après un an de traitement. Cet hôpital suit actuellement plus de 4 000 malades, sur quelque 50 000 patients sous traitement ARV au Cameroun.

« Ce pourcentage est en régression par rapport à l’année 2002 où nous avions fait une étude similaire qui révélait un taux de résistance de 16,2 pour cent à huit mois de traitement pour les patients de notre hôpital », a noté le docteur Charles Kouafang, chef de l’unité de prise en charge des personnes vivant avec le VIH de cet hôpital.

Cette diminution est due en grande partie au passage à la gratuité des ARV, en 2007. « En 2002, l’inobservance médicamenteuse était causée par le coût élevé des ARV », a-t-il précisé. Malgré l’amélioration de la situation, « la persistance des cas de résistances est une préoccupation de santé publique ».

C’est ce qui était arrivé à Mme Tientcheu. En 2005, elle avait dû interrompre son traitement pendant sept mois, faute de moyens, jusqu’à ce qu’elle intègre la file active des patients du centre hospitalier universitaire de Yaoundé.

Inobservance et pénuries

L’inobservance médicamenteuse reste à ce jour la première cause du développement de souches du virus résistantes aux médicaments, selon plusieurs spécialistes.

« Pour diverses raisons [parmi lesquelles la honte], certains patients oublient de prendre leur traitement ou sautent les prises tandis que d’autres abandonnent leur traitement pour se rendre chez des guérisseurs…, ainsi que dans des groupes de prière où on leur promet une guérison rapide et définitive », a regretté le docteur Flavien Ndonko, anthropologue et chargé du volet sida du programme Santé/SIDA de la coopération internationale allemande - GTZ.

Ces comportements « sont susceptibles de causer l’échec thérapeutique et de favoriser l’apparition des souches résistantes du virus, ce qui entraîne une augmentation de la morbidité et de la mortalité chez les personnes infectées et les pousse à douter de l’efficacité des ARV », a-t-il dit.

Les problèmes de ruptures d’approvisionnement en ARV que connaît régulièrement le Cameroun ont aussi des conséquences sur le développement de résistances, bien qu’il s’agisse là « d’une cause collective, tandis que l’inobservance est une cause individuelle », a noté Alain Fogué, président du Mouvement camerounais pour le plaidoyer et l’accès aux traitements.

Début septembre, des activistes ont organisé une marche à l’initiative du MOCPAT pour dénoncer une nouvelle fois les pénuries récurrentes d’ARV.

A la recherche de médicaments récents

Les combinaisons de médicaments devenant très difficiles à se procurer lorsque les résistances surviennent, la seule possibilité pour les patients est de poursuivre la thérapie en cours, en attendant, a dit M. Kouafang. « Nous ne disposons pas encore de solutions, en l’absence d’ARV de 3e ligne [au Cameroun], mais nous déconseillons fortement l’abandon du traitement car cela peut être fatal pour le patient. »

C’est pourtant ce que Mme Tientcheu a fait. Contre l’avis de son médecin, elle a décidé fin juin de suspendre son traitement et de ne plus prendre que des compléments nutritifs, disant ne plus supporter sa thérapie, le regard tourné vers les pays qui pourraient lui fournir les médicaments dont elle a vitalement besoin.

Mme Tientcheu n’est pas seule à être confrontée à ce problème de résistances aux médicaments de 2e ligne au Cameroun, selon des organisations de personnes vivant avec le VIH. « Il faut impérativement que les ARV de 3e ligne soient distribués au Cameroun », a plaidé Caroline Kenkem, secrétaire exécutif adjointe du Réseau camerounais des associations de personnes vivant avec le VIH, le Recap+.

Pourtant, cet espoir semble pour l’instant du domaine de l’utopie, selon M. Fogué. « Je ne crois pas que les autorités envisagent l’approvisionnement du Cameroun en ARV de 3e ligne. Je ne sais même pas si elles sont conscientes de cette situation, car pour accéder aux protocoles de 2e ligne, ce n’est déjà pas facile ».

Sous couvert de l’anonymat, un responsable provincial de la santé spécialisé dans le traitement du VIH/SIDA a, à demi-mot, confirmé ces craintes. Le nombre de patients résistants aux ARV de 2e ligne au Cameroun est pour l’instant marginal, a noté ce responsable, et le pays ne dispose même pas encore de la gamme complète des ARV de 2e ligne, pour des raisons de coûts, certaines molécules étant prohibitives.

Que faire ?

Seule solution pour les malades dans la situation de Mme Tientcheu : compter sur de bonnes volontés en-dehors du pays. Dans son cas, son appel à l’aide désespéré a été entendu par des membres de la diaspora, notamment camerounaise, en Europe, qui ont créé un Fonds de solidarité pour la soutenir, ainsi que d’autres patients dans son cas, et lui font parvenir régulièrement des colis de médicaments.

Mais cette solution reste précaire, et les associations de personnes vivant avec le VIH au Cameroun ont lancé un appel aux autorités pour trouver des solutions pérennes.

« Nous pensons qu’il n’existe pas une véritable politique du médicament et de prise en charge des patients. Nous avons l’impression d’assister à une navigation à vue, malgré des années de lutte et de multiples manifestations de volonté politique d’agir », a déploré M. Fogué.

Contacté à ce sujet, le Comité national de la lutte contre le VIH/SIDA (CNLS) a invité IRIN/PlusNews à prendre contact avec la Centrale d’approvisionnement en médicaments, qui a redirigé sur le ministère de la Santé publique, sans succès.

Face au problème des résistances, les autorités sanitaires concentrent leurs efforts sur la prévention, pour tenter de prévenir leur développement, en sensibilisation les patients sur la nécessité d’observer scrupuleusement son traitement.

La GTZ, en collaboration avec le ministère de la Santé publique et le CNLS ont lancé début août une campagne en ce sens, notamment via un spot publicitaire diffusé dans les médias audiovisuels, pour encourager le patient à « toujours prendre ses ARV à temps. Peu importe l’astuce, seule importe la vie. »

Quant à Mme Tientcheu, l’élan de solidarité qu’a suscité son appel lui a donné un sursis, mais cela risque de n’être pas viable à long terme.

Se disant trop affaiblie et incapable de se déplacer sur de longues distances, elle est restée enfermée dans sa chambre d’étudiante pendant trois mois. « Cela ne m’était pas arrivé en quatre années de traitement et c’est le plus difficile à vivre», a-t-elle dit.

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