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Publié par Delphine E. Fouda

Delphine E. FOUDA  &  Ndzana Seme , africanindependent.com,01/13/2009 Alors que la ville d’Ebolowa dans le Sud Cameroun, se prépare aux obsèques du père Jean Marc Ela, dont la dépouille quittera  le Canada mercredi 14 janvier, l’assassinat de Marthe Ekémeyong Moumié  vient, tel un nuage ombrageux, jeter un trouble sur les funérailles du baobab intellectuel ainsi que sur les critiques attendues à cet effet contre régime néocolonial au pouvoir. Le régime de Paul Barthélemy Biya se fonde depuis les années 1990 sur le tribalisme pour se maintenir au pouvoir. Et pour mettre fin dans les régions du Centre et du Sud à toute vélléité d’opposition qui eût exclu la raison du tribalisme, Biya a fait assassiner, parmi tant d’autres, l’Abbé Mbassi, Me Ngongo Ottou ou le Rvd. Pére Engelbert Mveng, de la manière aussi atroce que l’est Marthe Ekemeyong  aujourd’hui.
Delphine E. FOUDA  &  Ndzana Seme , 01/13/2009


Ebolowa ne pleurera donc pas un, mais deux de ses enfants, qui étaient pour le Cameroun des figures emblématiques du refus de pactiser avec les forces barbares et répressives qui dirigent notre pays.

Marthe Moumié, la veuve du martyr nationaliste Roland Félix Moumié est assassinée dans des circonstances obscurcies par des enquêtes diligentes, qui ont tôt fait de présenter le meurtrier à la nation. Bien que Eboutou Minla'a Franck, présumé assassin soit passé aux aveux, il ne reconnaît pas avoir violé la victime dont le corps, selon les premiers renseignements reçus, présentait des séquelles d’une atrocité sexuelle.

D'après les déclarations du présumé assassin, livrées par la presse locale, il “attribue le mobile de son crime au profit, car, la victime selon lui, avait de fortes sommes d'argent envoyées par sa fille qui vit en Espagne et il a décidé de lui en soustraire un peu’’(Mutations du 12/01/2009). Or le témoignage de la petite protégée de la défunte  fait allusion aussi à “quelques documents appartenant à ma grand-mère’’.

Pourquoi un vulgaire bandit, venu se ravitailler en argent, s’embarrasserait-il de quelques documents? Tout en espérant que la reconstitution des faits ne devienne pas une odieuse mise en scène comme cela est de coutume, il est légitime de s’interroger sur le contexte dans lequel survient ce décès.

Mais il est d’ores et déja clair que, désormais entre les mains de la police, le présumé assassin n’aura plus l’opportunité de dire la vérité. Ses déclarations seront celles que les agents du pouvoir décideront d’apporter. Et il est bien connu que, une fois en prison, le supposé ignoble assassin bénéficiera de temps en temps des ordres d’extraction, sous prétexte d’aller aider les services de renseignements et la police dans d’autres enquêtes, jouissant ainsi de la liberté totale, jusqu’au jour où il sera tout simplement évadé ou acquitté.

49 ans après l’assassinat par empoisonnement au thallium du Dr Roland Félix Moumié  à Genève, sa veuve connaît une fin toute aussi tragique que la sienne. Violée, puis étranglée dans la nuit du 07 au 08 janvier par un individu que la police camerounaise présente comme le coupable, Marthe Moumié était attendue à Genève au mois de mai 2009, dans le cadre des activités de la Fondation Moumié.

Elle devait déja honorer de sa présence la cérémonie de remise du prix Félix Moumié aux lauréats désignés au cours d’une conférence internationale tenue à Bruxelles en novembre 2008. Cruel destin que celui partagé par le couple Moumié.

Tandis que Félix Roland Moumié fut empoisonné par un agent des services secrets français déguisé en journaliste parce que la France de de Gaulle avait décidé d’en finir avec toute idée nationalisme révolutionnaire dans son pré-carré africain, Marthe Moumié née Ekemeyong est assassinée au moment où de nombreux  camerounais s’apprêtent à dire adieu à l’un des illustres fils du pays, tout aussi originaire d’Ebolowa.

Le compagnon de sacerdoce de feu Engelberg Mveng, assassiné en 1995 dans des circonstances demeurées lugubres est originaire du Sud Cameroun tout comme Marthe Moumié. Le sociologue et théologien Jean Marc Ela, puisqu’il s’agit de lui, était reconnu comme un “penseur de renommée mondiale, une conscience théologico-éthique particulièrement sensible au destin des pauvres d'Afrique noire’’.

Il n’avait d’ailleurs pas manqué de rappeler au cours d’une neuvaine à la mémoire du père Engelberg Mveng, que le Cameroun est un pays où les dirigeants « ne respectent plus rien, ni les personnes, ni les biens, ni les institutions, ni la vie elle-même ». C’est également lui qui écrira : « Biya sait qui a assassiné le Père MVENG et doit le dire aux Camerounais. Biya a toutes les preuves, tous les faits pour dire qui a assassiné le Père Mveng ».

A Ebolowa(capitale du Sud), on se prépare donc à recevoir la dépouille d’un homme qui a su dire non aux dérives d’un régime tyrannique. Un homme qui, face à la persécution a été contraint de  quitter sa terre, sa patrie,  pour rechercher un cadre plus sécuritaire. La dépouille de Jean Marc Ela aurait donc eu tous les honneurs mérités et certainement ses obsèques auraient réanimé quelques ferveurs.

Pourquoi ne se permettrait-on donc pas de creuser en profondeur les causes réelles de l’assassinat de Marthe Moumié? Est-ce simplement le fait d’un malencontreux et fortuit destin? 

Qui connaîtra les personnes que le nommé Eboutou Minla'a Franck a rencontrées avant l’assassinat? Ce n’est surtout pas la police de Paul Biya, connue comme experte dans l’enterrement des enquêtes, qui pourra révéler de tells contacts.

Il est d’ores et déja difficile de comprendre qu’un enfant de 17 ans puisse avoir le courage, non seulement le torturer et de tuer, mais surtout de violer une vieille maman de 78 ans. Pourquoi ne violait-il pas la petite fille de 12 ans, qu’il aurait tout bonnement accompagné à l’école?

Le théâtre est d’autant plus grotesque que le fameux assassin, prétendument aveuglé par le “profit”, revient sur le lieu du crime au grand jour pour voler un poste de television, comme pour bien dire “Regardez-moi voler!”. Il est d’autant plus ridicule que le fameux est très facilement localisé et arêté en l’espace de 24 heures.

De bon journalistes locaux ont là de la matière à investiguer, parce qu’il ne faut pas compter sur la police de Biya pour dire les véritables motifs derrière l’ignoble meurtre.

Marthe Moumié est tuée comme le furent les sœurs de Djoum en 1991, après avoir été violées et torturées. Des sources dignes de foi avaient alors avancé que feu Jeanne Irène Biya née Atyam, elle aussi trucidée des semaines auparavant au palais de Biya, s’était confiée aux vieilles soeurs avant sa mort. Visiblement, Paul Biya tenait à effacer toutes les traces.

Au moment où, d’après des sources proches du régime, Paul Biya s’apprêterait à répondre “je vous ai entendu” à ses rédacteurs des motions de soutiens et à sa complice d’opposition avec l’organisation des élections anticipées en 2009, les funérailles de Jean-Marc Ela ne présentaient-ils pas le risque de plutôt focaliser l’attention des médias et du public sur les crimes de Paul Biya, au lieu des réalisations que ce dernier voudrait voir louées en ce moment?

Quoi de mieux que l’assassinat horrible, dans la ville même de telles funérailles, à défaut d’Abel Eyinga, de la voix féminine anticolonialiste camerounaise la plus connue à travers le monde? On le sait, la veuve de Moumié a su faire entendre sa voix en révélant les circonstances dans lesquelles son époux Félix Moumié est mort. Le commun des Camerounais croirait difficilement à un tel scénario. Mais le commun des Camerounais ne sait pas à quel point le dirigeant républicain nécolonial est diabolique.
Le régime de Paul Barthélemy Biya se fonde depuis les années 1990 sur le tribalisme pour se maintenir au pouvoir, sous prétexte qu’il serait le garant de la paix et de la stabilité. Pour ce faire, il orchestre et attise les haines tribales, que ses affidés autant des regions dites Beti ou Bulu que des régions dites Anglophones ou Bamiléké se chargent de perpétuer à son avantage.

Triste ironie du sort que celui de la pauvre opposante Marthe Ekemeyong, une militante anticolonialiste et antinéocolonialiste Bulu, aujourd’hui tuée atrocément parce qu’elle ne bénéficiait pas de la sécurité; cette sécurité là même qui est garantie aux originaires des tribus dites de l’opposition parce qu’ils sont supporters du “frère” Biya.

Il est en effet courant, lorsqu’on approche un commerçant ou dignitaire des zones dites des opposants avec la question d’apporter son soutien pour mettre fin au régime, de se voir répondre qu’il ne peut pas parce que le régime Biya assure sa sécurité et celle de ses affaires.

C’est dire que si Biya redoute une opposition, c’est bien celle des Bulu et des Beti; parce qu’une telle opposition exclut toute motivation tribale. Et pour mettre fin à toute vélléité d’opposition dans les régions du Centre et du Sud, l’individu a toujours recourru à la terreur pour intimider ces populations. C’est ainsi qu’il a fait assassiner, parmi tant d’autres, l’Abbé Mbassi, Me Ngongo Ottou ou le Rvd. Pére Engelbert Mveng, de la manière aussi atroce que Marthe Ekemeyong l’est aujourd’hui.

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