Biya à Bordeaux : le rendez-vous manqué !
Décidément, Paul BIYA manque de prestance, de clairvoyance et d’esprit d’à propos. En politique, il faut être opportuniste, en ce sens qu’il faut savoir saisir chaque occasion pouvant transformer un acte ou un fait anodin, en événement historique capable de marquer la face du monde.La visite que le Président camerounais a entamé en France ce 21 juillet 2009 commence par un véritable flop de la diplomatie camerounaise et des conseillers en image du Président Paul Biya.
Le programme de la visite officielle du Président Biya en France, est d’une telle banalité qu’on se demande réellement ce qu’il est venu faire en France. Mais, nous nous abstiendrons de conclusions hâtives, tant que Biya n’aura pas quitté l’hexagone.Le Président Biya lors de son déplacement à Bordeaux, ville jadis plaque tournante du commerce des esclaves, a été visiter l’exposition permanente du musée d’Aquitaine "Bordeaux, le commerce atlantique et l’esclavage".
On se souviendra que les 10 et 11 Juillet 2009, soit dix jours avant ce voyage de Biya à Bordeaux, le Président américain BARACK OBAMA en visite au Ghana, s’était rendu à la forteresse de Cape Coast, transformée en monument à la mémoire des millions d'Africains qui furent victimes de la traite des Noirs. Son discours au Parlement ghanéen la veille a été un coup de semonce pour les dirigeants africains en général et pour les vieux présidents en particulier. Il a indiqué par son acte que les peuples africains attendent (surtout) de sa part une absence de complaisance, mieux, une intransigeance totale vis-à-vis des régimes indignes, qui avilissent leurs peuples. Le temps d’indexer les cancres viendra. En attendant, Obama se contente d’indiquer vers quoi doivent tendre les États africains.
Non pas que le Ghana soit déjà dans la périphérie de la perfection, non ! Mais sa classe politique et sa société civile inspirent d’ores et déjà le respect, et c’est ce que devraient méditer tous ceux auxquels Obama n’a même pas pensé. A elle seule, cette visite vaut des milliers d’heures de spots publicitaires invitant à investir au Ghana.Avec la mort d’Omar Bongo du Gabon, Paul Biya est devenu le « sage » de l’Afrique, et devrait endosser le poste de « porte parole » des dirigeants africains, et principalement de l’Afrique noire francophone.
Nous avions pensé, et à tort faut-il le reconnaître, que le Président Biya allait profiter de l’occasion de son passage au musée de Bordeaux, pour en faire un temps fort de sa visite officielle en France, par un discours qui serait resté mémorable aux yeux du monde, une réponse au Président des Etats-Unis et au reste du monde.
L’occasion de dire sa conception de l’évolution de la démocratie en Afrique, de justifier les retards apparents dans le développement économique du continent et de préciser les attentes des gouvernants et des peuples africains dans le cadre de la mondialisation. Il aurait pu attirer l’attention de l’opinion publique internationale sur le fait que l’Afrique n’est jamais associée aux grandes décisions du monde même par ces temps de crise, alors qu’elle souffre plus de cette crise qu’aucun autre continent.
Il aurait pu rappeler au Président Obama le rôle joué par les Etats-Unis d’Amérique dans la déstabilisation de nombreux Etats africains lors de la période de la guerre froide, avec tous les assassinats et coups d’Etats au lendemain des indépendances qui ont émaillé l’histoire politique africaine, déniant aux peuples africains toute alternance démocratique, et institutionnalisant la violence comme seul opportunité d’accès au pouvoir. Cette politique des Etats-Unis, des autres grandes puissances qui a transformé les dirigeants africains en simples valets des gouvernements occidentaux.
Combien d’années ont-ils fallut aux Etats-Unis pour arriver à ce stade de démocratie, de liberté et de développement ?Combien d’années, combien de guerres et combien de révolutions ont été nécessaires à l’Europe pour qu’elle devienne un modèle de démocratie, et encore on y retrouve toujours des régimes totalitaires.Barack OBAMA, le Noir, le chef de la plus grande démocratie du monde, a, par son discours d’Accra, donné l’absolution à l’occident, et décomplexé ce dernier face à l’histoire de l’esclavage et de la décolonisation. Circulez, il n’ya rien à voir. Allez vous démerder. Voilà le sens du discours de OBAMA, et l’Afrique aurait pu espérer que ce jour, Biya se dresse en patriarche et clame à la face du monde que l’Afrique n’est pas un continent de mendiants, d’incapables et de fainéants, mais que l’occident nous doit réparation de la traite négrière et de la colonisation.
Vous me direz que c’est utopique ? Mais quid de l’Italie et de la Lybie ?
Le 30 Août 2008 France 24 nous apprenait que :
« L'Italie a présenté samedi ses excuses solennelles à la Libye et s'est engagée à verser à ce pays cinq milliards de dollars sur les 25 prochaines années au titre de dédommagements pour la
période coloniale.
"L'accord portera sur un montant de 200 millions de dollars par an durant les 25 prochaines années sous forme d'investissements dans des projets d'infrastructure en Libye", a indiqué
le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi à son arrivée à Benghazi, dans le nord-est de la Libye.
Cet accord censé régler le contentieux hérité de plusieurs décennies d'occupation et de colonisation au siècle dernier a été signé un peu plus tard par le chef du gouvernement
italien et le numéro un libyen Mouammar Kadhafi dans le jardin d'un ancien palais du gouverneur italien de Benghazi, alors sous l'occupation italienne."Il est de mon devoir, en tant que chef du
gouvernement, de vous exprimer au nom du peuple italien notre regret et nos excuses pour les blessures profondes que nous vous avons causées", a déclaré M. Berlusconi dont les propos étaient
traduits en arabe.
Il s'est auparavant incliné devant le fils du héros de la résistance libyenne contre l'occupant italien, Omar Mokhtar, dans un geste symbolique."Il s'agit d'un moment historique
durant lequel des hommes courageux attestent de la défaite du colonialisme", a déclaré de son côté M. Kadhafi en levant la main en signe de victoire.
"Le peuple libyen a subi une injustice et a été agressé chez lui et il mérite excuses et compensations", a-t-il dit, en présence des ambassadeurs accrédités à Tripoli et des fils et petits-fils
des héros de la résistance."L'accord doit mettre fin à 40 ans de désaccord. C'est une reconnaissance concrète et morale des dommages infligés à la Libye par l'Italie pendant la période
coloniale", avait déclaré M. Berlusconi à son arrivée à Benghazi. »
Pourquoi n’avoir pas dit à l’Europe et à l’Amérique que la seule démocratie
n’est pas source de développement. Pourquoi n’avoir pas dit à OBAMA dans ce lieu symbolique, que l’Afrique souffre de savoir que ses enfants qui vivent dans la plus grande démocratie du monde
n’ont pas le même accès à la prospérité et au développement que les autres peuples d’Amérique ?Il aurait pu signaler l’évolution de la Chine qui n’est pas un modèle de démocratie à l’occidentale,
mais qui se développe et est en passe de devenir la première puissance économique mondiale.
Nous ne prétendons pas ici défendre les chefs d’Etats africains qui monopolisent le pouvoir, ou qui tyrannisent le peuple. Seulement, nous en avons assez de recevoir des leçons de
démocratie, de développement et quoi d’autres. Nous attendons que nos dirigeants puisent dans notre civilisation et dans nos cultures pour préparer notre continent aux grands défis du monde à
venir. Pourquoi ne pas nous laisser trouver notre voie de développement, élaborer nos institutions, en fonction de notre culture, de nos traditions et de nos valeurs ?
Nous manifestons dans la rue pour intégrer dans nos sociétés des pratiques qui ne sont pas de notre civilisation, nous implorons Sarkozy pour qu’il intervienne dans les affaires intérieures du Cameroun, et dans le même temps, nous condamnons la françafrique dans nos discours. C’est nous même qui entretenons donc cette logique de la françafrique. Quand verrons-nous les occidentaux se réclamer de nos coutumes, de nos traditions, de notre civilisation à nous africains, et manifester dans la rue ?
Nos sociétés traditionnelles ont eu des systèmes de gestion qui ont fonctionné, les chefs traditionnels font encore autorité au Cameroun et ne sont pourtant pas élus du peuple. Ils ne sont pas contestés pour autant. L’homme bamiléké, est soumis au chef traditionnel, le bamoun au sultan, le nordiste au lamido, personne ne conteste leur autorité, pas même les institutions de la république. On ne leur demande pas de déclarer leurs biens, on ne leur demande pas d’appliquer telle ou telle constitution. Ils gouvernent en despotes et « rançonnent » leurs sujets. Ils ont des villas en Europe ou aux Etats-Unis. Personne ne crie au scandale parce que c’est un système ancestral qui fait partie de notre culture et de nos traditions. Notre réflexion sur la démocratie et le développement ne doit donc pas se limiter au schéma occidental. Nous devons inventer notre démocratie en puisant dans nos traditions, notre culture et notre civilisation.
Ce discours, BIYA se devait de le tenir dans ce lieu symbolique, plein d’histoire de notre Humanité. Encore une occasion manquée !
Laura Lee ATANGANA. Cercle des Patriotes Camerounais – CERPAC.