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Publié par Alain B. Batongué, Mutations

Ceux qui ont fait un immense investissement affectif et politique sur la visite officielle de Paul Biya en France vont retomber sur leurs illusions. Comme le confirment le reportage et l'analyse de notre correspondant spécial en France , Nicolas Sarkozy, comme avant lui Jacques Chirac, François Mitterrand ou Valéry Giscard d'Estaing, a rapidement compris que malgré son désir de "rupture", il ne pouvait pas se passer de ce pré carré africain (surtout pas maintenant avec le décès de Omar Bongo Ondimba) qui offre tant de débouchés aux entreprises françaises. Il n'y a qu'à voir, pour s'en convaincre, comment Paul Biya a "snobé" la presse à sa sortie de l'Elysée pour comprendre qu'au fond, les "intérêts mutuels" du Cameroun et de la France avaient rapidement repris le dessus.

Mais la visite en France de Paul Biya a également, et surtout, permis de constater l'échec de la stratégie mise sur pied particulièrement par le Collectif des organisations démocratiques du Cameroun (Code), qui avait promis de faire barrage à la visite du chef de l'Etat camerounais dans la capitale française et qui, en dehors d'un échange évasif avec le député socialiste François Hollande, n'aura pas réussi à mobiliser autour d'un projet fédérateur, d'un document de référence et de rendez-vous concrets, au-delà de quelques manifestations symboliques.
N'est ce pas le moment, pour ce collectif comme pour l'ensemble de la classe politique qui se reconnaît dans l'opposition, de faire le bilan et de revoir les stratégies à élaborer pour mettre sur pied une opposition enfin crédible et une force alternative capable de challenger dans un proche avenir celui qui, on le voit, n'est pas prêt à partir du pouvoir ? La question n'a rien d'une provocation ; elle devrait, au contraire, permettre de faire le bilan de ces 20 années d'opposition, de manière à rechercher les causes de ses échecs répétés, à commencer par l'itinéraire de John Fru Ndi, toujours considéré aujourd'hui comme le leader de l'opposition et qui a pourtant envahi depuis si longtemps un espace manifestement usurpé, au point d'ailleurs, par accommodement, de faire désormais corps avec le pouvoir Rdpc …

Sur la dernière visite de Paul Biya en France par exemple, plusieurs questions devraient être posées : étai-ce le moment opportun pour organiser ces manifestations ? Ceux qui ont engagé le mouvement étaient-ce les bonnes personnes ? A-t-on fait le bon diagnostic sur les rapports passés ou actuels entre la France et le Cameroun, avec l'influence supposée de l'une sur l'autre ? S'est-il agi de problèmes stratégiques ou tactiques, structurels ou conjoncturels ? C'est probablement l'occasion d'analyser les forces et faiblesses, les audaces et les défauts. Cela permettrait sans doute de comprendre pourquoi un pouvoir que l'on dit tous les jours moribond, à bout de souffle, déliquescent, semble toujours retarder l'échéance. Cela permettrait aussi de se rendre compte que, parfois, dans les choix politiques et stratégiques qui ont souvent été faits, il manquait cruellement des informations capitales et une analyse lucide de la situation.

Un tel diagnostic pourrait par exemple déboucher sur la réorientation des actions à mener, ou sur l'identification du nouveau personnel politique, au Cameroun ou à l'étranger, capable de porter des projets qui, sur la durée, mettront en difficulté le pouvoir Rdpc. En ayant aujourd'hui plus qu'hier à l'esprit, comme information capitale, que c'est bien de l'intérieur (peut-être à l'intérieur du Rdpc) qu'on viendra à bout du système actuel, et non en comptant sur des partenaires étrangers trop confortés par la "stabilité" du pays, et les intérêts qu'elle leur procure.

François Xavier Vershave exagère probablement parfois. Mais il faut prendre au sérieux cette réflexion qu'il faisait en 2000 dans son ouvrage "Noir Silence" : "Il existe un pays où, depuis son palais, le chef de l'Etat recrute librement des mercenaires et pilote des guerres civiles sur un autre continent.

Il existe un pays qui attise les conflits ethniques et déverse des armes sur les régions à feu et à sang pour rester maître du seul vrai pouvoir. Il existe un pays qui, pour défendre ses intérêts, autorise ses services spéciaux à s'allier en terre étrangère avec les réseaux mafieux et les milices d'extrême droite. Il existe un pays où un candidat à l'élection présidentielle, deux fois ministre de l'Intérieur, peut s'appuyer en toute impunité sur les circuits des casinos et des ventes d'armes. Il existe un pays qui, loin de ses frontières, truque des élections et couvre l'assassinat de ses propres coopérants. Ce pays, c'est la France. Le continent humilié, c'est l'Afrique. Leur liaison incestueuse, c'est la Françafrique".
 

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