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Publié par JVT, Equinoxe Radio

l-Afrique-veut-son-d-veloppement.jpgCôte d’Ivoire, un pays, deux présidents, deux premiers ministres, les leçons de la crise

Il y a une dizaine de jours, le monde entier se félicitait de l’exemple qui vient de Côte d’Ivoire, après avoir été témoin de la bonne tenue du débat télévisé entre les candidats Gbagbo et Ouattara, appelés à s’affronter au deuxième tour d’une élection présidentielle attendue depuis au moins cinq ans. Tous, nous avions parié sur le retour de la  démocratie dans ce pays coupé en deux, meurtri par la guerre. Depuis vendredi, nous avons été obligés de déchanter, les résultats du scrutin ayant tourné au cauchemar. Alassane Ouattara a totalisé 54,1 % des voix contre 45,9 % au président sortant, d’après la commission électorale indépendante. Le Conseil constitutionnel, seule institution habilitée à donner des résultats définitifs, a renversé le rapport de force avec 51,45 % des suffrages pour Laurent Gbagbo, contre 48,55 % à son rival. L’institution a « annulé » en effet les votes dans sept départements du Nord, sous contrôle de l’ex-rébellion des Forces nouvelles depuis le putsch manqué de 2002. Le Conseil constitutionnel a donné raison au candidat Gbagbo qui dénonçait « des irrégularités graves et nombreuses de nature à empêcher la sincérité et la régularité des résultats du vote » dans ces zones. Pourquoi ces divergences dans l’interprétation des résultats ? On nous explique que la commission électorale indépendante est proche de Monsieur Ouattara, parce qu’elle est dirigée par des militants de l’opposition, alors que le président du Conseil constitutionnel, co-fondateur du FPI, le parti présidentiel roule clairement pour le chef d’état sortant. Puisque les deux institutions sont aussi partisanes et incapables de fournir des chiffres crédibles, tournons-nous vers le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d’Ivoire qui est le certificateur des élections ivoiriennes, rôle qui lui a été confié par le conseil de sécurité des Nations Unies et que le gouvernement ivoirien a accepté. Ce fonctionnaire international s’est appuyé sur les «  cinq  critères-cadres pour la certification » qui lui permettent de déterminer si un environnement sécurisé a prévalu au cours du processus électoral et permis la pleine participation de la population et des candidats à ce processus ; si le processus électoral est inclusif ; si tous les candidats ont un accès équitable aux Médias d’Etat et si ces derniers sont restés impartiaux ; si les listes électorales sont crédibles et acceptées par toutes les parties ; et si les résultats des élections sont déterminés à l’issue d’un processus transparent et accepté par tous ou contesté de manière pacifique par les voies appropriées. Ses conclusions, cinglantes sont sans appel.

Il affirme, je le cite que « Même si toutes les réclamations déposées par la Majorité Présidentielle auprès du Conseil Constitutionnel étaient prises en compte en nombres de procès-verbaux, et donc de votes, le résultat du second tour de l’élection présidentielle tel que proclamé par le Président de  la CEI le 2 décembre ne changerait pas, confirmant le candidat Alassane Ouattara vainqueur de l’élection présidentielle ». C’est en raison de cette certification du Coréen Choi Young-Jin que l'élection de Laurent Gbagbo a été rejetée par les Nations unies, les Etats-Unis, l'Union européenne et la France, qui ont reconnu vainqueur son rival Alassane Ouattara. Même l’Afrique a joint sa voix à celle du reste du monde. La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest a condamné l'investiture de Laurent Gbagbo en tant que président ivoirien et annoncé la tenue d’un sommet demain mardi à Abuja pour décider des actions à prendre. Ce n’est pas la première fois en Afrique qu’un pays se retrouve avec deux personnalités revendiquant le titre de président, après des élections contestées, notamment à Madagascar, au Zimbabwe ou au Kenya. Dans ces deux derniers cas, l'opposant s'était retrouvé premier ministre. Mais cette solution est totalement exclue en Côte d'Ivoire. Ouattara ne sera pas le premier ministre de Gbagbo. On peut penser, avec Philippe Hugon, spécialiste de la CI à trois scénarios possibles de sortie de crise. Un compromis diplomatique grâce à une médiation comme celle en cours de l'ancien président sud-africain Thabo Mbeki. Mais c’est difficile d'y croire. Laurent Gbagbo a réalisé un coup de force, et on ne voit pas pourquoi il reviendrait en arrière. Une deuxième possibilité serait un embargo international qui déboucherait sur la mise au banc de la Côte d'Ivoire par la communauté internationale. Enfin, l'hypothèse que tout le monde redoute : c’est une nouvelle flambée de violence avec le retour à la guerre. Quelque soit l’évolution future de la situation, l’imbroglio ivoirien doit nous inspirer au moins trois leçons. 1/ La personnalisation du pouvoir d'Etat conduit à créer des institutions publiques partisanes, ce qui ne contribue pas asseoir la démocratie. 2/ L’Afrique ne doit pas se tourner vers la communauté internationale uniquement pour solliciter son aide ; le continent doit aussi l’entendre quand elle travaille au maintien de la paix. Plus de 9 000 casques bleus sont aujourd’hui déployés sur le sol ivoirien dans le cadre de l’Onuci, la mission de la paix lancée en 2004, et qui a déjà coûté près de 2,25 milliards d’euros. Laurent Gbagbo ne peut pas se contenter de dénoncer des «cas graves d'ingérence», évoquant «La souveraineté de la Côte d'Ivoire, qu’il ne peut pas négocier », l’air de dire que l’ONU doit payer et se taire. 3/ Dans un pays, un citoyen, originaire de n’importe quel coin du territoire doit pouvoir devenir le président du pays. Apparemment, ce n’est pas le cas en Cote d’Ivoire, où être un natif du nord musulman constitue un obstacle insurmontable dans ce pays chrétien où les sudistes se taillent la part du lion. Cela nous rappelle qu’au Cameroun on parle d’un certain axe Nord-Sud dont la logique est d’exclure du pouvoir suprême, des citoyens originaires de certaines parties du pays.

Chronique de JVT du 6 décembre 2010 sur Equinoxe

Jean Vincent Tchienehom, Journaliste
Douala, Yaoundé

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