Afrique :Les autoroutes de la révolution ne passent pas par l'Afrique centrale !
Beaucoup de tracts en circulation en ce moment dans certaines régions du Cameroun, un essai de mobilisation, mais une fois de plus on dira « beaux parleurs, mais petits faiseurs ! »
L'Afrique centrale est loin de s'embraser aux dates indiquées. « Je m'en tape » comme tous mes compatriotes menteurs et voleurs. Il n'y a que les saints et les crétins qui y croient. Heureusement, ils ne se comptent que sur les doigts d'une main. L'Europe vit, produit et échange et même consomme. L'Asie produit, innove, exporte et consomme aussi. L'Amérique dit et fait, fait et dit et en impose aussi. Trois poumons donc qui n’ont pas de prise en Afrique centrale. Entre ces trois poumons que sont l’Europe, l’Asie et l’Amérique, il y a un petit passage qui est au centre de tout depuis des semaines : le Canal de Suez. C’est vrai, il y a aussi ces moins de 15 km que j'ai survolés il y a quelques jours entre l'Espagne et le Maroc à Gibraltar. Une révolution y est passée et a emporté quelques-unes des dictatures du monde arabo-africain.
La mondialisation n'est pas une pornographie qui se transmet par clin d'œil ! Elle se pense d'abord avec des femmes et des hommes qui se veulent un peuple et qui sont sortis de la barbarie tribalisante pour s'élever vers un humanisme qui nous pousse à voir l'autre comme le Prochain. Il y en a qui pense que la mondialisation des révolutions va se faire ! O que non ! Parce qu'elle est loin d'être une photographie figée d'un monde sans frontières. Si vous le pensez, vous vous mettez le doigt dans l'œil ou ailleurs si vous préférez. Il faut être capable de s'inscrire, de s'insérer dans le film montrant les flux croisés des régions du monde en perpétuel mouvement. Le monde de l'Afrique centrale est figé dans une époque révolue. C'est un zoo pour touristes fait de mégalomanie sauvage et de prostitution bestiale avec une bande de proxénètes qui ne lésinent sur aucun moyen pour atteindre leur but.
Les navires qui montent et descendent le long des routes du commerce, les avions qui décollent et atterrissent pour relier des pays aux frontières réelles passent loin de cette portion de terre qu'est l'Afrique centrale. Les réseaux logistiques d'une importance particulière en cette période de transactions dans les relations internationales, les autoroutes de la mer d'un côté, les autoroutes numériques de l'autre méconnaissent notre existence.
La révolution de l'information est le prélude aux révolutions politiques. Les événements de Tunisie, d'Égypte, les murmures hostiles des jeunes en Chine, en Algérie et plus près de nous en Lybie le confirment. L'Afrique centrale y est-elle présente ? Nous savons tous aujourd'hui que nous n'avons plus besoin de tenir compte des données physiques pour nous exprimer dans ce monde dématérialisé. Nous aurions donc pu penser que cette masse sournoise et amorphe de donneurs de leçon aurait pu aborder tous les sujets qui intéressent la région de l'Afrique centrale. Les natifs de l’Afrique centrale vivant sur place ou ailleurs souffrent tous de la même maladie : l'obsession de la trahison. Dire « Bongo dégage » équivaut à « Biya dégage » et la réponse est connue : RIEN. Ces hommes et ces femmes sont incapables d'inoculer le « virus » de la liberté que diffuse la pelote numérique qui enserre l'ensemble de la planète aux régimes dictatoriaux. Le grand contingent des intellectuels africains ne fait pas mieux que leurs frères et sœurs, leurs parents absents du monde de la pensée. Le tribalisme, le goût immodéré pour les choses de ce monde, la médisance, l’absence d'engagement sérieux et le népotisme font le reste; non ils en sont les inventeurs.
En ce moment dans un pays comme le Cameroun, la nombreuse population camerounaise se nourrit du sucre animal au grand désintérêt des scribes et autres bien-pensants. Dans ce même pays, la justice populaire est encouragée par tous. Ainsi, il n'est pas rare de voir des enfants hauts comme trois pommes participer au lynchage et à la mise à mort d'un être humain. Ces nouveaux assassins gardent un sourire angélique et vont communier tous les dimanches. Oui, au pays de Paul Biya, de Robert Naoussi, d'Achille Mbembé, de Samuel Eto'o, le Cameroun semble un vain mot.
De nombreux Camerounais manquent d'eau potable et, dans des quartiers de Yaoundé, de Douala, de Ngaoundéré, etc. les populations peuvent facilement passer 7 jours sans eau sans que cela n'émeuve personne. Dans ce pays où 43 % de la population totale a moins de 35 ans, les jeunes ont cessé de rêver. Tout le monde veut de partir, quelle que soit la destination. Ainsi, le 15 février dernier à l'aéroport, j'ai rencontré ce jeune camerounais âgé d'à peine 20 ans qui voulait se rendre en équateur sans arriver à situer lui-même dans quelle partie du monde se trouve ce pays.
Le 10 février dernier, le président de ce pays en s'adressant à la jeunesse à l'occasion de sa 45e fête s'est offert le luxe d'annoncer la création de 25 000 emplois alors que les emplois directs c'est-à-dire ceux qui doivent revenir de droit à tous les jeunes issus des grandes écoles ne sont pas pourvus. Ainsi au Cameroun de 2011, en dehors de l'armée, les jeunes sortis des écoles de formation tels que l’École Polytechnique, l’École Supérieure des Travaux Publics, l’École Normale, l’École des Postes sont tous « au quartier ». Pour les diplômés de l'ENAM on croirait que la situation est meilleure, mais que non ! Ainsi deux promotions de l'ENAM sont encore « au quartier » comme on dit ici, intégrés à la fonction publique, mais sans salaire.
Au Congo du Président Sassou Nguesso, la situation n'est guère plus réjouissante, à peine une population de 3,5 millions et un PIB par habitant évalué à 530 euros ! Pourtant dans ce pays, l'espérance de vie est évaluée à moins de 53 ans pour les femmes et moins de 50 ans pour les hommes. Le pays tire 80 % de son budget de ses revenus pétroliers. Ici, on meurt pour un comprimé d'aspirine. De nombreux instituteurs ont été « embauchés » officiellement mais n’ont ni matricule ni salaire! Mais ici une armée de thuriféraires acquise à la cause de l’homme du 6 novembre 1982 explique à qui veut l’entendre que tout est pour le mieux dans le pays des lions autrefois indomptables.
Dans ce concert de misère, seule la Guinée Équatoriale de Théodoro Obiang Nguéma s'en sort. Des investissements sont faits à tour de bras grâce aux revenus du pétrole depuis le début des années 2000. Ici, on peut aller à l'hôpital et espérer recevoir des soins. De Malabo à Bata, de Mongomo à Evin’Ayong, le constat de développement est palpable. Même si nous nous risquons à dire « peut mieux faire » en matière de droits de l'homme et de liberté, ici les écoles, les collèges, les centres sociaux, etc. poussent comme des champignons. C'est le véritable eldorado de l'Afrique centrale, le phare qui éclaire dans la nuit noire de la misère.
Au Cameroun, au Gabon, au Congo, en République Centrafricaine, au Tchad, nous sommes à des années-lumière des autoroutes de la révolution. Il faut cependant reconnaître que les pouvoirs publics n’ont jamais essayé de bloquer tous les accès de la toile dans cette partie de l’Afrique. Les réseaux sont trop nouveaux pour être commandés depuis un interrupteur général. Mais qu'en est-il donc des populations ? « Coincées dans l'enfer du quotidien, de la survie » selon les plus optimistes, alors que les autres haussent les épaules et lèvent les yeux vers le ciel. Ici, c'est le règne du chacun-pour-soi et si l'on peut éliminer un pauvre comme nous, cela nous procure une sensation de puissance dans cet enfer qu'est l'Afrique centrale. Quand on parle des détourneurs de deniers publics, tout le monde ici connait le nom d’un voleur mais souhaite que l’on mette d’abord la main sur le voleur de la famille voisine.
Si les Égyptiens ont su trouver une formule qui résume à elle seule le choc politique que provoque la mondialisation des sons et des images dans un pays non démocratique, « si votre gouvernement décide de couper votre Internet, c'est qu'il vous faut changer de gouvernement... » En Afrique Centrale, la formule qui rassemble tout le monde est « les séries brésiliennes nous aident à tenir, Internet nous aide à trouver des partenaires sexuels et le gouvernement peut dormir sur ses deux oreilles... ». Ainsi va la vie !
Vincent-Sosthène FOUDA